Lhistoire des Giustiniani de
Gênes (Italie)
Traduit de lItalien par PIERRE-EUGENE CARAMAN avec la collaboration de ELISA PETITTA
( basé sur létude dENRICO GIUSTINIANI publiè par "Le Cahier du
Bosphoro" Les Edition "ISIS Presse" 2005)
"Dure la race des
Giustiniani, nouvelle souveraineté de
dynastie populaire
magnifique, de roi sans couronne,
qui parfument de mastic le
blanc sillage ou la marquent d'une ceinture rouge,
lorsque dans lîle
Andriolo Banca orne les temples, produit des poèmes, vénère Homère, élève des
lauriers, affranchit les esclaves.
Bateaux d'Italie, voilà l'Égéen.
Qui vient de Lesbos ? qui de Coo ?
Bateaux d'Italie, les
Ombres chantent comme les sirènes."
Gabriele D'Annunzio - Chanson des
Dardanelles
(Merope - Livre Quatrième des Laudes
du ciel de la mer de la terre et des héros)
Les armes des Giustiniani de Chios (Palais Giustiniani Bassano Romano)
2. HISTOIRE DE L'ILE DE CHIOS AVANT LES GIUSTINIANI :
3.
4. L'HISTOIRE DES GIUSTINIANI DE CHIOS DAL 1363 AL 1566
5.
6. MONNAIES A CHIOS PENDANT
7. LE COMMERCE DU MASTIC A CHIOS
8.
9. QUELQUES REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ET SOURCES CITEES
La
présence de la famille Giustiniani, a été établie dans diverses parties de la
Méditerranée avant la constitution de la Maona au XIV° siècle. Danciennes
traditions, sans aucun support historique, la feraient remonter à la « Gens
Anicia » romaine.
Au
II° siècle avant Jésus-Christ, les riches familles romaines nobles commencent à
construire leurs somptueuses villas hors des limites de lespace citadin, en
s'établissant dans de grands domaines autonomes. Les villages se réduisirent et il en
résulta un territoire toujours plus occupé par les grandes propriétés privées.
La
Gens Anicia a ainsi pu tirer avantage davoir cherché refuge, au moment
des invasions barbares, dans des territoires, comme les îles, restés à labri des
invasions. Il est
certain qu'à partir du IX-Xe siècle, le nom Giustiniani était connu dans
toute la Méditerranée.
Lorigine
des Giustiniani de Gênes remonte au 14 novembre 1362 lorsque 12 notables génois
fondèrent la Maona (la "nouvelle"), une société commerciale "anonyme"
pour l'exploitation de possessions génoises dans le Dodécanèse, et adoptèrent tous
le nom de Giustiniani en perdant le leur. Lorigine n'est donc pas liée à une
souche commune, mais au regroupement de plusieurs familles dans une sorte de société de
personnes, comme si elles étaient nées d'un père commun, parce que leur terre est
commune. Elles formèrent une "campagne" (du "Breve della Campagna" des "leges
Genuenses" de 1157 : "Compagniam de pecunia non faciam cum aliquo
habitante ultra Vultabium et Savignonem et Montem altum, neque ultra Varaginem").
La
décision d'unir plusieurs familles dans un clan et de prendre le nom de la plus
importante, qui disposait d'un lieu de réunion (palais ou demeure) n'était pas nouvelle
à Gênes et anticipait la naissance des "alberghi" qui deviendraient par
la suite la norme en matière dassociation économique voire politique. Dans le cas
particulier de la Maona Giustiniani, ce système permettait aussi de dépasser le
problème de définition des parts (les
« carature ») au capital pour lesquelles elle avait été
constituée.
Sur
l'étymologie de la Maona de Chio, il y a eu beaucoup de discussions, que nous pouvons
aussi bien résumer par ces mots de
lhistorien Génois Teofilo Ossian de Negri : la Maona fut "...une
délégation formelle de fonctions étatiques à une association privée de commerçants
et darmateurs
"
La "Maona" Giustiniani
est la première société "par actions" relatée dans l'histoire[1]. Le nom "Maona" est
d'origine incertaine, on le suppose issu du génois "mobba" équivalent d
"union", ou même du nom d'un bateau ou de l'arabe "maounach" traduisible
par "société commerciale" ou "association pour leffort
commun" ou encore "assistance", "indemnité", parce
que la première expédition de la Maona fut conçue en droit comme un
"achat", comme si les armateurs avaient effectué un prêt à l'État
garanti par de futures conquêtes plutôt que par des revenus fiscaux comme cétait
alors la coutume. L'investiture devait être un dédommagement pour de largent non
remboursé, un palliatif provisoire à la dette publique.
Le
mot "Maona" pourrait même dériver du grec "désirer", "j'aspire"
car pour une Société de commerce l'aspiration principale est vraiment celle du gain, ou de la corruption en génois du mot "Madonna",
de l'enseigne votive que lon trouve à lextérieur du Palais Giustiniani de
Gênes à côté de la rue dite "les testone des Giustiniani". (teston =
monnaie) madone représentée
avec les deux saints protecteurs de ce que lon a appelé par la suite lAlbergo
Giustiniani.
Le
nom "Giustiniani", mais ceci n'est pas plus certain, dériverait par
contre du premier siège de la Maona, dans le Palais Giustiniani de Gênes déjà
possédé par une famille homonyme de Venise qui avait à cette époque de bons rapports
commerciaux avec la république génoise. Palais qui trônait encore dans le quartier
Giustiniani, orné des armoiries de la famille et de beaucoup de trophées gagnés pendant
la guerre de Chioggia contre les mêmes Vénitiens.
Les
Maone étaient de véritables seigneuries, avec beaucoup de troupes, de soldats, une
certaine autonomie fiscale et leur politique était parfois même en contradiction avec
celle de la république même qui les avait créées.
La
structure de la Maona, en ayant des actions "nominatives", ne créait pas
de problèmes liés à des ambitions "dynastiques". La participation
anonyme permettait ensuite le transfert des parts sans difficultés particulières, chose
qui se produisait fréquemment les premiers temps.
Avant
cette "société", existait une précédente Maona (la
"vieille") fondée le 26 février 1347, dans le même but : l'exploitation commerciale de
l'île de Chio, qui prit en 1359 le nom de "Giustiniani ».
L'importance
et la force de la famille sont attestées par le fait que même après avoir quitté Chio
et sêtre établis dans dautres villes, ils étaient toujours considérés
comme les Giustiniani de Gênes, même la Sacra Rota appelait encore le 14 juin 1839 le
marquis Vincenzo Giustiniani : "Vicentius ex Nobilissima lanuensi familia
Justinianorum dysnastarum olim Chij in mari Aegeo".
L'histoire
des Giustiniani est à raccorder, aux origines, avec les colonies génoises de la mer
Égée orientale qui appartiennent maintenant à la Grèce : les îles de Scio (Chio ou de
Hios), Samos, Enussa (Inousses), Icaria (Ikaria), Kos, Lesbos (Lesvos), Santa Panagia et
les deux établissements dAsie Mineure, lancienne Phocée (Eskifoça) et la
nouvelle Phocée (Yenifoça) qui appartiennent maintenant à la Turquie.
Sur
ces îles, les Giustiniani ont exercé leur domination 220 ans environ durant, de 1347,
année de la fondation de la Vieille Maona, à 1566, année de la conquête définitive de
l'archipel par les Ottomans.
Dans
ces anciennes possessions, on peut encore observer la géométrie des ruelles très
semblables aux "carrugi" Génois,
les tours de repérage le long de la côte et les restes des quelque 15 forteresses
anciennes sur lesquelles fleurissent encore les armes des Giustiniani. Malheureusement
bien peu de choses subsistent de nos jours des beaux palais ("Archonticà"),
soit à cause du pillage des Turcs en 1566, soit à cause des effets dévastateurs d'un
tremblement de terre qui se produisit dans les îles Grecques au début du XX° siècle[2].
Les
Giustiniani ont été une des familles les plus en vue de la République de Gênes, six
Doges ont porté leur nom. Nous nous rappelons encore des hommes de lettres parmi lesquels
Andreolo Banca, auteur de l'histoire en vers latins de la guerre contre Venise en 1431, et
son fils Angelo (1385-1456), Pier Giuseppe, de l'Académie des "Addormentati"
(endormis), de Carlo Fabrizio
évêque de Marianna en Corse et fondateur de l"Academia dei vagabondi"
(vagabonds), Serafino, moine
olivétain, auteur de la tragédie "les Numitore" ; des historiens
parmi lesquels Leonardo Garibaldo, latiniste et évêque de Lesbos mort en 1482, Agostino
Banca, évêque de Nebbio, auteur des annales, Jacopo de Forneto à qui le roi Alfonso
d'Aragon se rendit comme "souverain de Scio" (1435), de Girolamo Giustiniani
(1544-1600), auteur d'une histoire de Chio, du latiniste Alexandre Giustiniani (né en
1515) et du botaniste Francesco Giustiniani. Ont été doges de Gênes : Francesco
Domenico Garibaldo (1393), Andrea Longo (1539), Paolo Moneglia (1569), Giovanni Agostino
Campi (1591), Alessandro Longo (1611), son fils Luca (1645), Giovanni Antonio Giustiniani
(1713) et Brizio Giustiniani (1775). Ont été cardinaux : Vincenzo (1570), Benedetto
(1585), Orazio (1645), Giacomo (1826) et Alessandro (1831). Enfin, on trouve une multitude
de danciens sénateurs, gouverneurs en Corse et ailleurs, ambassadeurs, et
professions libérales. Il en résulte aujourdhui diverses branches répandues dans
toute lItalie, des nobles de Gênes, de Ferrare, de Livourne, de Rome, à Smyrne, à
Florence, à Bari, à Caprarica de Lecce, à Savone, à Palerme et à Amatrice, etc
La
"suzeraineté" génoise fut ratifiée par le traité de Ninfeo du 10 Juillet
1261 par lequel l'empereur Michel Paléologue VIII concédait à Gênes la juridiction
civile des Génois locaux et lexploitation commerciale dans le "Royaume de Nicée", pour
les récompenser de leur concours dans la reprise de Constantinople. Giovanni Vitale
devient une sorte de "sindaco mercantile" (syndic commercial) de l'île.
Chio,
la plus florissante des îles de l'archipel, était un centre important de production et
de commerce du mastic (le "capo mastice" existe encore aujourd'hui au sud
de l'île) et des marbres. Ses terres, en outre, sont fertiles et riches en vignobles.
Pour
défendre les îles des Turcs, des Vénitiens et des pirates, l'empereur Andronic
sollicita l'intervention sur l'île de Benedetto Zaccaria de Gênes, seigneur de Phocée,
le port commercial célèbre pour l'alun, qui permet daccoster sur le continent en
face de l'île de Chio.
Benedetto
est un homme d'armes et un diplomate. Ambassadeur de Gênes à la cour de Byzance depuis
1264, il était facilement entré dans les grâces de l'empereur Michel VIII, par la
constance de son activité diplomatico-militaire antimusulmane. Il se comportait en vrai
croisé en plus dune occasion sans négliger son juste intérêt de marchand.
Avec
la couronne de Castille, il a participé à la guerre victorieuse contre le roi du Maroc.
Nous le retrouvons plusieurs fois à Phocée, et en Espagne aussi bien quà la cour
de Paris où il est reçu par le roi de France.
En
qualité d'amiral du roi Philippe "le Bel", il utilise habilement la
technique du blocus naval pour nuire aux intérêts commerciaux des Anglais et des villes
flamandes ennemies du roi de France.
En
1281, il figure parmi les valeureux capitaines de la guerre victorieuse contre Pise à la
bataille décisive de la Meloria et au siège de Porto Pisano, dans la conception de
laquelle ont été trouvées des influences des tactiques byzantines déjà décrites dans
le "Taktikon" de Léon Le Sage. Victoires qui, à la fureur du peuple,
furent attribuées au valeureux commandant plutôt quà la classe dirigeante
génoise, qui préféra s'éloigner vers l'Orient avec des titres ronflants et peu de
moyens plutôt que de se retrouver extrêmement populaire à Gênes.
Pour
exploiter leur concession, les Zaccaria se servirent de sociétés souples basées sur la
procuration, en tenant compte au-delà des capacités professionnelles aussi bien des
liens de sang que de parenté acquise. Comme nous le retrouverons par la suite chez les
Giustiniani, le clan est considéré comme un élément de stabilité et de sûreté dans
une société perpétuellement divisée comme celle des Génois.
Les
frères Benedetto et Manuele Zaccaria qui sétaient échangé réciproquement des
procurations appelèrent à contribuer à leur société leur autre frère Nicolino, leur
cousin Tedisio et Paléologue, le fils de Benedetto, et parmi les proches parents alliés
des Zaccaria : les Doria, les Cattaneo et les Volta.
Le
lien entre Phocée et les autres provinces grecques était réduite à une étroite bande
le long de la mer que les Zaccaria défendaient sur une centaine de kilomètres, "pas
tellement par la fortification du lieu", écrit avec admiration le chroniqueur
grec Pachimere, "que par la réputation de valeur des Italiens, prêts à oser
nimporte quelle audace avec leur courage et leurs bras". À la longue, on
ne pouvait ainsi défendre daussi vastes territoires avec si peu d'hommes,
cest pourquoi le Seigneur de Phocée se contenta de fortifier son château et de
protéger ses intérêts commerciaux, forts du courage de ses seuls 52 cavaliers et 400
fantassins.
Phocée,
contrairement à toutes les autres colonies génoises du Levant de l'époque, n'est pas un
port de transit, mais un point d'embarquement de minerai d'alun. Un manuel de pratique
commerciale de l'époque évalue le commerce annuel de lalun à environ 14 mille
quintaux, équivalents à environ 750 tonnes, qui produisaient un rendement de 65 mille
lires génoises, chiffre astronomique pour lépoque (plus ou moins
léquivalent de 800 000 euros d'aujourd'hui).
Toutes
les industries textiles de l'époque ont besoin d'alun pour fixer les couleurs.
Contrairement à toutes les autres marchandises, l'alun enregistrait une véritable
surproduction par rapport à la demande. Zaccaria savéra, non seulement un
condottiere de classe, mais aussi un habile industriel. À un moment de lHistoire
où le commerce est beaucoup plus développé que l'industrie, il est nécessaire pour
gagner plus de maintenir des prix élevés et de diminuer les coûts de production. Pour
ce faire, les Zaccaria engageaient presque exclusivement de la main-d'oeuvre locale à vil
prix et réduisaient le coût du transport en employant leurs propres bateaux, du port de
départ à ceux d'arrivée. Une autre intuition géniale pour l'époque fut de se
concentrer sur l'industrie de transformation, en décidant une phénoménale intégration
verticale : du minéral brut au produit fini dans une filière libre de droits. Pour
gêner la concurrence de l'alun de Trébizonde, supérieur au sien en qualité, il obtint
de Michel Paléologue un décret ("chrysobulle") pour interdire le
passage de l'alun à travers les détroits de la mer Noire.
Tandis
que se posait pour l'alun le problème de la concurrence, celui de Chio était en sens
inverse le monopole naturel de la production du mastic. Le problème était là de vendre
aux prix les plus élevés possible ; pour ce faire, on plafonnait la production à
43 tonnes annuelles maximum, chaque tonne coûtant 400 lires génoises. Pour avoir une
idée du profit, dans les années mille quatre cents, le prix était fixé par les
Giustiniani à 45 lires le quintal et comme la récolte était en surproduction,
l'excédent était brûlé pour éviter de baisser les prix.
En
raison des longues absences de Benedetto Zaccaria pour ses voyages et ses activités
diplomatiques, la situation au Levant sombra dans le chaos, après quà Michel VIII
ait succédé le faible Andronic II.
En
1296 la flotte vénitienne commandée par Ruggero Morosini rasa complètement Phocée,
Andreolo Cattaneo Volta, administrateur pour le compte des Zaccaria, fut contraint de
transférer la population dans l'enceinte fortifiée de la Nouvelle Phocée autour du
château quil avait fait construire au XIIIe siècle.
Chio
était alors devenu un repaire de pirates musulmans. Benedetto Zaccaria profita de la
situation, et en sappuyant sur sa popularité politique et militaire en France, la
reconquit avec le titre d'amiral et restaura son pouvoir en 1302 en désignant pour chef
son neveu Tedesio, qui sempara en 1306 du port de Thasos, refuge des pirates grecs.
Après
de vaines demandes à l'empereur Andronic pour se voir reconnaître le droit
d'exploitation des îles de Samos et de Cos, presque inhabitées à cette époque,
Benedetto, les occupa en 1304, contraignant ainsi l'empereur à lui concéder pour dix ans
la suzeraineté sur ces îles sous légide byzantin.
Ce
fut également le moment d'une modification radicale du statut des Zaccaria qui,
jusque-là, pouvaient se définir comme administrateurs de l'empereur latin. À partir de
1304, Benedetto et surtout ses descendants commencèrent à se poser toujours plus comme
princes souverains, pendant que les liens avec l'empire byzantin allaient en se
distendant.
Benedetto
mourut en 1307, son frère Manuel deux ans après. À la mort de Benedetto, son fils
Benedetto II, dit aussi le Paléologue, lui succéda à Chio. À sa mort en 1314, les
possessions de Phocée et des îles furent divisées.
À
Phocée, Tedisio s'allia avec les pirates catalans de Gallipoli à Pâques 1307 pour faire
face à la menace musulmane, mais il perdra de nouveau la ville en 1313 au profit des
Grecs, pour retourner à Thasos menacée par les troupes impériales. À Tedisio
succédèrent Andreolo Cattaneo puis, à partir de 1331, année de sa mort, jusqu'en 1334,
année où les ports reviennent aux mains des Grecs, son neveu Domenico.
A
la mort de Benedetto II Paléologue, lui succédèrent dans le fief de l'île de Chio ses
fils Martino et Benedetto III appelés conjointement au gouvernement en 1314.
En
1319 les deux Zaccaria reçurent l'investiture impériale des possessions de la part de
Filippo de Constantinople.
Le
gouvernement de cette nouvelle génération de Zaccaria était très semblable à celui
des autres dynasties d'origine latines présentes dans le Levant chrétien.
Le
roi de France Philippe "le Bel" avait fait des îles de Chio, de
Ténédos, de Samos, de Marmora, de Mytilène et des ports de lancienne et de la
nouvelle Phocée un petit royaume en investissant Martino Zaccaria et tous ses successeurs
dans leur possessions, conférant à Martino Zaccaria le titre de roi et despote à la
grecque, titre qu'il pouvait transmettre à tous ses descendants "utriusque
sexus", c'est-à-dire mâles et femelles. Le gouvernement était alors de
caractère collégial et tous ceux qui y participaient avaient le titre royal.
Martino
Zaccaria fit une alliance profitable avec son premier mariage, en épousant lune des
filles de Bartolomeo Ghisi, grand connétable de Morée qui, outre la châtellenie de
Tebe, avait la possession d'un des terzieri de l'Eubée et la seigneurie de Tinos,
Mykonos et des Sporades septentrionales, et entrait en étroites relations avec la
noblesse de la Roumanie latine.
Par
suite de l'extinction des branches masculines des dynasties de l'Orient chrétien,
beaucoup de fiefs se virent assignés à des chevaliers arrivés en Grèce à la suite des
divers prétendants, intéressés avant tout à repartir pour l'Occident après avoir
monnayé leurs prétentions.
Cest
ainsi que Martino Zaccaria, bien enraciné à Chio, obtint la baronnie de Kalanutza
d'Aymon de Rans, chevalier auquel elle avait été donnée par Louis de Bourgogne après
l'extinction de la maison du Tremblay.
En
secondes noces Martino épousa Jacqueline de la Roche, dernière héritière de la branche
cadette de la maison des ducs d'Athènes, qui lui apporta en dot les baronnies de
Veligosti en Messénie et de Damala en Argolide.
Malgré
l'agrandissement de ses fiefs, Martino Zaccaria concentrait ses forces surtout sur Chio et
sur le maintien de la suprématie navale dans la région, suprématie qui culmina avec la
conquête et l'occupation du port de Smyrne en 1317.
En
1318, en faisant victorieusement face à une attaque turque, avec l'aide des Chevaliers de
Rhodes, il réussit à imposer un lourd droit de passage aux marchands ottomans.
Martino
réussit même à tourner en sa faveur les sympathies pontificales en luttant sans merci
contre les marchands d'esclaves, ce qui lui permit dobtenir la levée des interdits
en vigueur sur le commerce avec l'Orient islamique.
Martino
avait entre temps éloigné son frère Benedetto III de Chio en lui promettant une pension
annuelle considérable. Sa puissance attira l'attention des Angevins de Naples et de la
république vénitienne qui espéraient obtenir son aide pour leur expansion en Orient.
Martino
obtint le 26 juin 1315 de Filippo de Tarente, prince d'Achaïe et empereur de
Constantinople, le titre de "Roi et
despote de l'Asie Mineure" avec les possessions des îles de Chio,
nusses, Imbros, Ténédos, Lesbos, Samos, Icaria, Cos et des châteaux de Damala et
de Kalanutza qui, avec le royaume de Thessalonique et le despotat de Roumanie,
constituaient une des chimériques dépendances de l'Empire latin. En contrepartie,
Martino concédait à l'empereur 500 hommes darmes pour la croisade de
"libération" de Constantinople.
Outre
les recettes tirées de la possession des mines d'alun de Lesbos, déjà en partie
contrôlées par Cattaneo, laspect le plus important était la concession de la
possession de Ténédos et dImbros. Ces deux îles donnaient accès aux Dardanelles
qui assuraient le contrôle de toute la Mer Noire. Qui désirait commercer avec le Pont
devait s'accorder avec Martino Zaccaria.
Mais
la faveur impériale initiale se transforma vite en jalousie et en antagonisme avec le
nouvel empereur Andronic III, plus tenace.
La
ruine de Martino Zaccaria est imputable à la trahison de son frère Benedetto III, qui
fit appel en 1324 à l'empereur contre les agissements de son frère.
L'empereur
proclama la déchéance de Martino Zaccaria de tous ses droits en Orient et envoya en 1329
une flotte de 105 navires pour reprendre l'île de Chio. Il emmena Martino en prison à
Constantinople et laissa à grand peine à ses fils, Bartolomeo et Centurione, la vie
sauve avec une partie de leurs objets de prix. Puis il poursuivit avec sa flotte jusqu'à
Phocée, contraignant Cattaneo à lui jurer formellement obéissance et comme signe de sa
propre souveraineté demeura dans le château où il tint sa cour pendant deux jours.
Pour
prix de sa "trahison", il offrit le titre de préfet grec de Chio sous la
bannière impériale à Benedetto III. Celui-ci, encore insatisfait, tenta sans succès de
s'emparer de l'île en 1330. Après la mort peu après de Benedetto III sans descendance,
Chio resta entre des mains gréco-byzantines, et quatre ans plus tard, Phocée était
aussi reconquise.
Cependant,
les fortunes des Zaccaria ne finirent pas avec Chio. Martino, sorti de prison sept ans
après en 1331, suite aux pressions du pape et du roi de France, eut encore un rôle de
premier plan à jouer en Orient.
En
1343, on lui confia le commandement de la croisade contre Omar Pacha, émir turc
seldjoukide d'Aydin, pour reconquérir Smyrne perdue en 1328.
En
1344 vingt galères armées par le pape, le roi de Chypre, les chevaliers de Malte et de
Venise, reprenaient Smyrne.
Bien
que le pape lui ait interdit de reprendre Chio, Martino comptait très probablement sur un
succès de la croisade pour réoccuper ensuite l'île en vainqueur, mais le destin fit
partir ses plans en fumée. Martino Zaccaria mourut le 15 janvier 1345 sous les murs de
Smyrne.
Moins
dun an après sa mort de Zaccaria, le commandant de la deuxième croisade contre
Smyrne, Simon Vignoso rétablit définitivement la domination génoise sur Chio à la
tête de la maona Giustiniani, témoignant ainsi que le plan de Martino était bien de
reconquérir lîle.
Les
fiefs égéens perdus, les Zaccaria se concentrèrent sur ceux du Péloponnèse, en
assumant définitivement les traits et la mentalité de l'aristocratie franco-hellénique
à laquelle les Zaccaria étaient apparentés.
Des
deux fils de Martino, Bartolomeo mourut en 1334. Lautre fils, Centurione, hérita
des possessions paternelles en Morée quil gouverna jusqu'en 1404. Il reçut le
titre de Baron de Damala, depuis la captivité de son père à Constantinople
jusquen 1336, et sinséra dans la lutte dynastique des baronnies locales à la
mort de Filippo de Tarente.
En
appuyant le fils de Filippo Roberto, Centurione Zaccaria obtint la reconnaissance de sa
souveraineté et la confirmation de ses droits plusieurs fois violés dans le passé par
les princes angevins.
Martino
Zaccaria avait aussi poursuivi le système d'alliances au travers des mariages de ses
fils. Bartolomeo
épousa Guglielma Pallavicino, qui avait apporté en dot le marquisat de Bodonitza.
Centurione épousa la fille du gouverneur de la Morée byzantine, Andronic Asen, lui-même
fils du tsar des Bulgares, Ivan III Asen, et dIrène Paléologue, fille de Michel
VIII et sur d'Andronic II.
Ce
mariage "impérial" liait les Zaccaria aux maisons impériales de Byzance
et de Bulgarie, et consolidait les visées de la famille comme dynastie princière.
À
la mort de son père, Centurione avait même hérité des baronnies de Kalandritza
comprenant les forteresses de Stamira et de Lysaria quil renforça ultérieurement
en mariant son fils Andronic Asen Zaccaria avec la fille unique du puissant baron
d'Arcadie et de Saint-Sauveur, Erard III le Maure. Cette suprématie parmi les familles
latines du Péloponnèse est même confirmée par son titre de baile de Morée.
A
la mort de Centurione Zaccaria, son fils Andronic Asen Zaccaria réunit tous les fiefs et
les titres de son père, y compris la seigneurie d'Arcadie héritée de son beau-père.
Andronic devenait ainsi à la fois l'archevêque de Patras et l'unique grand baron latin
resté dans une Arcadie précipitée dans une anarchie totale à la mort du dernier prince
angevin.
Au
moyen dun réseau dense d'alliances entre les divers seigneurs européens qui
sappuyaient mutuellement et s'opposaient à divers prétendants au principat,
apparut, également soutenu par Zaccaria, Pierre de Saint-Superan, commandant de la
compagnie navarraise, son autre son beau-frère, lépoux de Marie Asen Zaccaria. Mais malgré deux héritiers
mâles, Pierre de Saint-Superan ne réussit pas à fonder une dynastie.
A
la mort d'Andronic Asen Zaccaria en 1402, son neveu Centurione II Zaccaria, préféré par
sa veuve, lui succéda en attendant la majorité de ses jeunes fils, mais l'ambitieux
neveu usurpa le trône au détriment de la veuve et de ses neveux avec l'approbation de
Roi Ladislas. Il consolida son fief dArcadie en prenant une épouse dans la maison
napolitaine de Tocco qui avait étendu sa domination aux îles Leucade et Céphalonie,
héritées des Orsini, à l'Épire et à la côte occidentale du Péloponnèse, et en
obtenant la nomination de son frère Stefano comme évêque de Patras.
Malgré
ses succès, ses proches parents lui suscitèrent les plus gros problèmes. Dès 1406,
Carlo Tocco, son beau-frère et duc de Leucade, et Stefano Zaccaria, un des fils
dépossédés, entrèrent en guerre contre lui aux côtés de Teodoro Paléologue.
En
1408, Leonardo Tocco, seigneur de Zante, occupait le port de Clarenza, le principal port
dAchaïe et Stefano Zaccaria confiait Patras et toute sa baronnie aux Vénitiens
pour cinq ans.
Pour
se protéger de la famille Tocco, Centurione II fut forcé de s'assurer la bienveillance
des Vénitiens, en en subissant linfluence. En même temps il engageait des
mercenaires albanais et obtenait lappui des Giustiniani de Chio. Ceci lui permit de reprendre à
Tocco le port de Clarenza le 12 Juillet 1414.
Pour
recouvrer son autonomie, il demanda à nouveau l'aide des Giustiniani de Gênes, offrant
en échange de leur protection polico-militaire le contrôle direct des ports de Clarenza
et de Port-de-Jonc (Navarin, lactuelle Pylos).
La
situation dans la république, menacée sur mer par les Aragonais et sur terre par le duc
de Milan Filippo Marie Visconti, ne lui permettait de toute façon pas dêtre un
allié utile et les négociations prolongées qui durèrent trois ans affaiblirent
ultérieurement la position du prince.
La
réaction byzantine ne se fit pas attendre. En mai 1417, les troupes impériales de
Teodoro II et de Giovanni Paléologue envahirent le territoire latin, en occupant la
Messénie et une bonne partie de lElide, et Centurione II se trouva rapidement
assiégé à Clarenza quil fut contraint dabandonner par mer au printemps de
1418. Entre-temps, Patras était
également menacé par les Grecs. Avec la médiation des Vénitiens qui occupaient
Navarin, Centurione II put bénéficier d'une courte trêve.
Mais
malgré sa ténacité, il perdit en 1429 aussi bien Clarenza que Patras. Le territoire
quil contrôlait maintenant était réduit à quelques forteresses isolées comme
son château ancestral de Chalandritsa, dans lequel il se retrouva assiégé par Tommaso
Paléologue et finit par se résigner à la reddition. Les conditions obtenues lui
permirent de conserver ses titres et la possession de la baronnie d'Arcadie, mais il aura
dû céder les autres forteresses en dot à sa fille Caterina qui épousa le même Tomasso
Paleologo, et reconnaître son gendre comme héritier. Après le mariage en 1430,
Centurione II se retira dans son château d'Arcadie où il mourut en 1432, en dernier prince
occidental de cette péninsule.
Pour
éviter de possibles complications politiques, Tommaso Paléologue fit emprisonner au
château de Clermont la veuve de Centurione II et un de ses fils illégitimes Giovanni
Asen Zaccaria.
Le
point final aux succès des Zaccaria en Orient ainsi posé, tout le Péloponnèse fut
rassemblé sous la souveraineté impériale, même si les Ottomans étaient maintenant aux
portes. En effet, en 1460, Mehmed II, conquérant de Constantinople, occupa aussi
facilement toute la Grèce méridionale.
Paradoxalement
le mariage même qui sanctionna la fin de la glorieuse famille Zaccaria, détermina un
développement inattendu. La fille cadette de Caterina Asen Zaccaria et de Tommaso
Paléologue, Zoe, fut donnée pour femme, alors que l'empire était désormais conquis par
les Turcs, au prince Ivan III de Moscou, libérateur de la Russie du joug des Tartares et
le premier à porter le nom de "Tsar". Schématiquement le sang des
Zaccaria passait du second empereur chrétien le premier était le Romain au
troisième, celui de Russie et de sa chrétienté orthodoxe.
Tels
étaient le cadre historique qui se présentait au milieu du XIVe siècle en
mer Égée et l'histoire de la glorieuse famille Zaccaria jusqu'au XVe siècle.
Par
trois fois, avec le siège de Tripoli en 1289, avec Chio en 1329 et dans l'Achaïe en
1414, Gênes eut l'opportunité par lintermédiaire des Zaccaria daccroître
considérablement son influence dans la péninsule balkanique, mais les guerres civiles
lempêchèrent d'exploiter ces opportunités.
Le
déclin de la puissance génoise se manifeste au XIVe siècle par deux
évènements qui semblaient à leur tout début la replacer dans le concert des grandes
puissances : l'instauration du gouvernement populaire et le commencement de
l'activité des Maone.
Devant
l'insuffisance et lagitation du pouvoir central, de nouvelles associations privées
naissaient, volontaires pour prendre en charge des intérêts particuliers politiques et
économiques, les "alberghi" des nobles et les "conestagi" populaires,
semblables aux cliques qui trois cents ans auparavant avaient mené à la naissance de la
commune.
L'aventure
des Giustiniani de Chio commence à l'instant de l'élection en 1339 du premier doge,
Simon Boccanegra, des "populaires", descendant du premier capitaine du
peuple. Il fut contraint de laisser Gênes sous linfluence des "nobles",
en la personne de Giovanni de Murta, élu doge le 25 décembre 1344, aussitôt après sa
déposition. Le nouveau doge s'employa à pacifier la ville dans un esprit équitable et
honnête, mais il dut armer une petite flotte de trois galères et un corps de troupe pour
vaincre les adversaires de la commune dans quelques localités de la Riviera puis, dans un
second temps, 12 galères pour mettre de nouveau en déroute les "nobles" barricadés
à Vintimille.
Avec
l'aide des Grimaldi, les "nobles" affrétèrent une flotte de 34 galères
pour attaquer directement Gênes. À cette époque, la ville se trouvait dans une profonde
crise financière. Le doge, soutenu par le peuple décida de résister mais, vu les
disponibilités réduites du trésor, il confia larmement de la flotte à des
citoyens, en garantissant leurs avances soit par des titres sur la dette publique soit par
des concessions territoriales ou financières.
En
1345, plus ou moins concomitamment avec la perte des possessions de Chio et de Phocée
dans le Dodécanèse, Giovanni de Murta organisa une souscription pour former une armée
pour semparer de Roquebrune et Monaco devenus le centre des exilés adversaires de
la République.
Chaque
participant devait armer un bateau et verser une somme de 20 000 lires à titre de
prêt à Gênes. En contrepartie, la République s'engageait à rembourser le prêt en
concédant les butins de guerre à titre d'indemnisation de cette expédition.
Participèrent
à la souscription 7 "nobili" et 37 "populani", mais 29
seulement dentre eux réussirent à armer un bateau (certains disent 25). Ce groupe
se constitua autour de la famille Giustiniani. La flotte fut armée de 6.000 hommes dont
1 500 arbalétriers. Larbalète était le meilleur armement de l'époque, car
on trouvait aussi dans les flottes des taillandiers qui garantissaient un
approvisionnement constant en flèches. Un chroniqueur de l'époque remarqua que toute
l'armée était vêtue de la même tenue, constituant ainsi une formation militaire
régulière.
Le
commandement fut confié, le 19 janvier 1346, au populario
Simon Vignoso avec le titre de Precettore ou
commandant en chef de la flotte.
La
flotte était prête à être employée, mais les adversaires, intimidés par la puissance
du détachement, se réfugièrent à Marseille sous la protection du roi de France.
Décision malheureuse, car ils furent invités à participer à la guerre contre les
Anglais qui les anéantirent à Crécy.
La
flotte se trouva donc inoccupée avant même de commencer, même si à ce stade, on avait
déjà contracté un crédit pour son armement et son entretien. Vu la nécessité pour la
république de protéger ses possessions au Moyen Orient, elle fut envoyée en mai de la
même année au Levant, pour défendre les intérêts commerciaux de Gênes à Caffa en
Crimée, et ses ex-possessions de nouvelle et dancienne Phocée, autrefois
gouvernées par les Zaccaria avec le titre de roi de l'Asie Mineure, et reprises par
l'Empereur Andronic II en 1325. À celles-ci, on ajouta même l'île de Chio, non
possédée par les Zaccaria mais dont ils avaient eu le titre de prince. Sur les mêmes
territoires, pesaient alors la menace mongole de Jani-beg et les visées expansionnistes
de la république de Venise. Les conquêtes du Levant auraient permis de solder la dette
contractée avec les Giustiniani pour larmement de la flotte grâce à une
concession sur vingt ans accordée à travers "toutes les commodités et les
avantages de tous les lieux et les terres qui auraient été acquis par l'amiral, les
capitaines et les hommes des galères pour lentière somme qui leur est due comme
compensation égale à 203.000 lires génoises". Il devait y avoir ensuite une
relation de type féodal, une investiture provisoire des conquêtes futures.
Le
départ pour l'Orient, avec 4 galères supplémentaires, eut lieu le 24 avril 1346. Avant
d'arriver en mer Égée, la flotte génoise fut employée à la défense de la ville de
Terracina assiégée par le comte di Fondi. La ville n'étant pas en mesure de résister
sétait offerte à la suzeraineté perpétuelle de Gênes. Les forces écrasantes
des Génois permirent une victoire facile. Pour cette conquête, les Giustiniani se virent
reconnaître un crédit ultérieur évalué à 3.600 florins d'or. Les détails de cet
épisode sont narrés par Fabrizio Appoloni Ghetti dans le livre "Destin de trois
siècles" sur la "Maona Giustiniani"
La
flotte poursuivit sa route vers Negroponte en Eubée où Simon Vignoso eut connaissance
des projets de conquête de la flotte vénitienne commandée par Umberto II, dauphin de
Vienne, sur les territoires visés par lexpédition, dans le but de consolider la
conquête de Smyrne et de secourir Caffa. Umberto II cherchait à prendre Chio de toutes
les façons, soit en cherchant à convaincre l'impératrice Anne de Savoie, veuve
dAndronic III mort en 1341, soit en soudoyant Vignoso, mais il nobtint que le
résultat contraire, à telle enseigne que Vignoso sempressa de cingler vers Chio.
Après
une inutile intervention diplomatique des Grecs qui cherchaient à conserver leur
indépendance, il fit son entrée dans le port de Chio le 16 juin 1346 et occupa en trois
jours l'île dont il sassura le contrôle total le 12 septembre, après trois mois
de résistance héroïque de la citadelle. Il reprit lancienne Phocée quatre jours
après, et le 20 du même mois la nouvelle Phocée avec un corps expéditionnaire
commandé par Pietro Recanelli Giustiniani.
Pendant
qu'il sapprêtait à reconquérir Ténédos et Lesbos, Vignoso dut retourner à Chio
menacée par les impériaux. Le 9 novembre 1346, de retour à Gènes, il reçut les
acclamations de la foule.
Le
doge n'ayant pas de ressources pour rembourser la dette contractée avec les nouveaux
amiraux, céda aux 29 armateurs ("Mahonenses"), le 26 février 1347, la
juridiction civile et fiscale de Chio ("dominum") et le monopole du
commerce du mastic pendant 20 ans.
La
défense et l'administration des colonies furent confiées exclusivement aux Maonesi, la
commune ne se réservant que la haute souveraineté, la juridiction civile et militaire,
la propriété des forteresses des trois chefs-lieux (Chio et les deux Phocée), ainsi que
le droit de nommer les podestats et les commandants militaires, toujours en accord avec
les Maonesi.
Ainsi
sopéra la première formation de la Maona (dite ensuite la "vieille"),
qui prit en 1359 le nom de Giustiniani pour donner un vocable explicite au consortium
familial quils avaient créé.
Les
Maone nées en tant quinstitutions privées au service de l'État, ne pouvaient pas
avoir toujours une politique en ligne avec celle du gouvernement. A linstar des
futures compagnies coloniales espagnoles et anglaises, elles devaient se préoccuper de
bonne gestion avant la grandeur de l'État. Un système qui avait aussi pour Gênes
certains avantages sur le front diplomatique, avec la possibilité de désavouer si
nécessaire les actions des particuliers.
Pendant
le siège de Chio en effet, limpératrice Anne de Savoie avait envoyé l'amiral
Italien Facciolati avec quelques bateaux grecs à lattaque des marchands génois de
Galata, faute daffronter l'armée de Vignoso. Mais en raison de l'insurrection de la
ville, elle fut obligée de payer une indemnité. L'année suivante, en 1348, le nouvel
empereur Giovanni Cantacuzène demanda à la commune de restituer Chio et Phocée. Le
doge, habilement, promulgua un décret, bien conscient que la Maona ne lui aurait pas
obéi.
Le
Dodécanèse, infesté des pirates, était maintenant sous la menace des Mongols. Gênes
rechercha la protection impériale, sans trop pénaliser son commerce. Elle imposa à
En
janvier 1350, le doge Giovanni de Murta meurt dune épidémie de peste, qui s'est
répandue en Europe à partir de Caffa en Crimée. La population européenne est
violemment frappée avec une mortalité entre 40 % et 60 % dans les villes. La
même année, une nouvelle guerre éclate entre Gênes et Venise. En septembre,
trente-cinq galères vénitiennes attaquent au large de Chio quatorze galères génoises
commandées par Nicolo de Maineri, et en détruisent dix. Les quatre restantes, réunies
à quatre autres commandées par Filippo Doria, réussissent le 10 octobre à détruire
vingt galères vénitiennes et à semparer du château de Carystos, puis retournent
à Chio chargées de butin.
Venise
a envoyé une autre flotte pour reconquérir l'île, mais la situation évoluait
rapidement à cause de la pression menaçante des Ottomans. Le conflit entre Gênes et
Venise sapaisa, au point que nous trouvons la Maona alliée à Venise dans la
nouvelle ligue contre les Turcs de juillet 1352.
A
la suite de toutes ces vicissitudes, lancienne Maona ne réussit plus à être
efficacement opérationnelle en raison de défections et vendit des parts. La république
génoise n'étant pas encore en mesure de solder sa dette, chercha un compromis entre les
vieux créanciers et les nouveaux ayant droit.
Le
8 mars 1362, il fut établi quon formerait une nouvelle "société" à
laquelle seraient confiés pendant douze ans le gouvernement et l'exploitation commerciale
de Chio jusqu'au 14 février 1374 et que la "vieille" Maona serait
liquidée moyennant le paiement de la dette en cours avec la République en 1347. Un tel
contrat était valide tant que demeurait à Gênes le gouvernement populaire. La
république se réservait le droit de changer le contrat par anticipation, jusqu'au 26
février 1367, en remboursant aux Giustiniani sa dette de 203.000 lires génoises.
Le
14 novembre 1362 naît la "nouvelle" Maona des Giustiniani sous la
direction de Pascal Forneto et de Giovanni Oliviero. Les associés fondateurs, tous popolarii, étaient douze : Nicolo de Caneto de
Lavagna, Giovanni Campi, Francesco Arangio, Nicolo de San Teodoro, Gabriele Adorno, Paolo
Banca, Tommaso Longo, Andriolo Campi, Raffaello de Forneto, Luchino Negro, Pietro Oliverio
(ou Liviero) et Francesco Garibaldi.
Les
associés s'unirent en "albergo" en abandonnant leur nom, à
lexclusion de Gabriele Adorno. Les Adorno transformèrent le leur en Pinelli ;
mais en 1528, avec la réforme des "alberghi" familiales, ils adopteront
en définitive celui de Giustiniani. À ces douze s'ajoutera ultérieurement un treizième
: Pietro de San Teodoro. Au cours de divers évènements, beaucoup d"actionnaires"
se retireront pour diverses raisons, mais ils conserveront le nom de Giustiniani.
Dès
1362, Pietro Recanelli Giustiniani, qui succèdait à Simon Vignoso à la régence de
Chio, acquit deux parts et devint bien vite l'âme de la nouvelle Maona.
Pietro
Recanelli était déjà une personnalité très en vue dans la Gênes dalors, on
la considéré comme descendant de la
souche génoise des Giustiniani ; il avait épousé Marguerite, fille du doge
Gabriele Adorno. En 1350, à la tête dune expédition armée, il reprit Phocée aux
Grecs. Il se distingua à Smyrne comme lieutenant du pape pendant la période 1361-1365,
fut amiral de la République lors des troubles suscités par les Doria rebelles en
1365-1366 et conclut la paix en 1368 à Chypre avec les Mameluks. Il mourut en 1380.
Le
8 juin 1363, l'empereur byzantin Giovanni V Paléologue renonce définitivement a son
pouvoir sur les îles et cède aux Giustiniani les droits sur Chio, Samos, nusses,
Sainte Panagia et Phocée, qui était devenue un des entrepôts le plus florissants de
l'Asie Mineure, en conférant aux Giustiniani les titres de roi et despote, à la grecque,
titres qui pouvaient se transmettre à tous leurs descendants "utriusque
sexus", c'est-à-dire mâles et femelles. Le gouvernement était alors de
caractère collégial et tous ceux qui y prenaient part portaient le titre royal dans les
modalités et la forme quavaient connues les Zaccaria. Ces privilèges furent
ensuite renouvelés pour quatre nouvelles années le 14 juin 1367.
Cette
confirmation avait été nécessaire parce que, quelques années auparavant, en 1348,
l'empereur Giovanni Cantacuzène avait demandé l'île de Chio aux Génois qui, l'année
d'avant, exactement le 12 février 1347, l'avaient cédée en usufruit aux Giustiniani
avec les îles de Samos, dIcaria, dnusses et de Santa Panagia, et leur
avaient aussi concédé le privilège de battre monnaie "quod posset dictus
potestas (Syu) nomine comunis Ianuae cudi et cudi facere in insula Syi monetam argenti de
liga". Ce privilège fut renouvelé le 15 septembre 1439, ce qui balaie le doute
quant à la souveraineté pleine et entière des Giustiniani sur l'île. La dernière
monnaie frappée à Chio porte les initiales de "V.I." (Vincentius
Iustinianus) et date de 1562.
Ne
pouvant pas rembourser son emprunt, la République de Gênes prolongea à plusieurs
reprises les droits de propriété de la Maona Giustiniani jusqu'au 21 novembre 1418.
Le
gouvernement des Giustiniani, aussi bien, ne fut pas ininterrompu. Pendant la guerre avec
Venise en 1379, lancienne Phocée fut momentanément conquise par les Vénitiens.
Au
milieu du XIVe siècle, le centre de l'Asie Mineure échappe au contrôle
éphémère des Mongols et un nouvel ennemi terrible apparaît sur les côtes
turques
L'instabilité
politique à Gênes favorisait l'ascension et les prétentions des colonies et des maone
utilisées par Gênes à différentes fins, telles que l'exploitation coloniale. Ainsi en
1378, lorsque sous le poids du coût de la guerre de Chioggia, la commune utilise la maona
pour couvrir l'opération dinféodation de la Corse à six citoyens, appelés tout
à tour "Mahoneses, Feudatarii, Apaltatores", qui ensuite se réduisirent
au seul Leonetto Lomellino en 1405. Depuis le commencement du XVe siècle, les
maone n'ont plus pour objectif la conquête de nouveaux territoires, mais la conservation
de ceux quelles possèdent déjà.
Gênes
contrôlait la mer Noire à travers Galata et l'île de Ténédos, mais ayant les mêmes
vues commerciales, elle devait constamment se confronter avec les Vénitiens et avec les
empereurs byzantins. Cest véritablement alors quémerge la figure de
Francesco Gattiluso, qui en épousant la sur de Giovanni Paléologue obtient l'île
de Lesbos en dot. Quelques années auparavant, en 1386, la grande ville d'Enos avait
spontanément rejoint les fiefs de Gattiluso, et bien vite s'est ajoutée
linféodation de lancienne Phocée (même si formellement dans la mouvance des
Giustiniani), et plus tard de toutes les autres Sporades septentrionales, Thasos, Lemnos,
Imbros et Samothrace. Les Gattiluso avaient le grand mérite diplomatique de se conformer
aux coutumes grecques, ils étaient vassaux de Byzance, parents de la maison impériale et
ils adoptaient pour leurs fils des noms grecs.
En
1380, les janissaires de Murad Ier et Rajasid Ier enlèvent à la
Maona l'île de Samos, puis peu après lancienne et la nouvelle Phocée durent
ouvrir leurs portes aux Ottomans.
En
1403, les Mongols ont brutalement imposé leur hégémonie sur le Moyen Orient, avec
l'ascension de leur condottiere "Timur le boiteux " dit le
"Tamerlano", qui réussit à rassembler les royaumes mongols épars. En
1402, il infligea à Ancyre une lourde défaite aux Ottomans. Toute l'Asie Mineure fut
rapidement conquise, moins par les Mongols eux-mêmes que par la terreur quils
inspiraient. Tamerlan mourut peu après, en 1405, et sa domination sacheva ainsi,
aussi rapidement quelle avait commencé, et les Ottomans reprirent le contrôle de
l'Égée.
La
Maona sétait garanti une certaine indépendance en payant aux Ottomans un fort
tribut denviron 4.000 ducats. Une pratique normalement suivie par
dautres peuples d'Asie pour s'assurer leur bienveillance.
Au
XIVe siècle, les modalités de gestion des colonies changèrent. Elle
nétaient plus directement contrôlées par le gouvernement de Gênes, mais par la
Maison de Saint Georges qui reprend les dettes de la commune vis-à-vis des Maone et des
administrateurs des colonies. Ce fut ainsi le cas pour Famagouste, pour la Corse et pour
beaucoup d'autres possessions de la Mer Noire.
Avec
la chute du gouvernement "populario" à Gênes, les Maonesi, profitant
dun article de la convention passée avec la République, se rebellèrent contre les
représentants du roi de France qui avait imposé sa domination sur Gênes. Les anciens
traités rendus caducs par cette situation, la Maona proclama l'indépendance le 21
décembre 1408. Le nouveau gouvernement francophile envoya le 18 juin 1409 en mer Égée
une expédition commandée par Corrado Doria. Le condottiere chercha un compromis avec les
Giustiniani pour semparer personnellement du contrôle de l'île, prétendant être
actionnaire majoritaire. Grâce à une habile action diplomatique, mais aussi compte tenu
de l'extrême importance de la Maona pour la défense des intérêts commerciaux de Gênes
vis-à-vis des pirates et des Ottomans, le conflit sapaisa, et la "rébellion" fut vite
oubliée. Ce fut le dernier acte d'autorité de la république sur ses possessions
doutre-mer, qui bénéficièrent à partir de ce moment dune autonomie
pratiquement illimitée, plus du fait de la faiblesse de la mère patrie que de la force
des colonies. Cette situation finit par nuire à tous.
À
partir du XVe siècle, presque toutes les colonies virent se tarir lentement
les sources de prospérité économique. Le début de la décadence nempêche pas
cependant Pera, Chio et Famagouste de s'embellir et d'éblouir par la beauté de leurs
palais les étrangers de passage, comme Ciriaco d'Ancône, humaniste-marchand qui
parcourut toute la mer Égée à la découverte des monuments de la Grèce classique et
Andriolo Banca, qui devint grâce à son savoir lami du pape Eugène IV et chanta en
vers la guerre contre Venise en 1431.
La
Maona réussit également à maintenir une certaine prospérité, avec dhabiles jeux
d'alliances avec les États concurrents Venise et le Royaume de Rhodes mais
aussi par des ambassades auprès des Ottomans. Giovanni Adorno Giustiniani, fils du doge
Georges et à sa suite Percivalle Pallavicini ont été plénipotentiaires à la cour
ottomane de Mehmet Ier.
Les
Gattiluso et les Giustiniani prennent part en 1416 à une expédition victorieuse du même
Mehmet Ier contre le prince seldjoukide de Smyrne.
Les
alliances entre Latins et Ottomans nétaient pas rares dans le Levant, comme
autrefois celles avec les Égyptiens, mais elles ne résultaient pas dun dessein
politique au niveau des États, mais plutôt d'initiatives dindividus agissant par
intérêt personnel, pour réduire le lourd tribut imposé pour continuer à commercer sur
ces terres, plus que pour des gains territoriaux.
En
novembre 1431 une nouvelle guerre éclata avec Venise. Une flotte de trente bateaux
vénitiens avec à leur tête Andrea Mocenigo, Dolfino Venier et Scaramuzza de Pavie
assiégeait Chio, pendant que les Génois cherchaient à exercer des représailles sur les
Vénitiens à Tana. Venise pour l'occasion sut trouver des alliés valables comme le
Turcoman Uzun-Hassan, alors maître de
Ces
alliances "personnelles" aboutirent aux pires conséquences en 1444, lorsque
pendant la croisade du pape Eugène IV, des navires génois appartenant à des
particuliers à la solde des Ottomans, permirent de vaincre les chrétiens à Varna le 10
novembre, après la victoire initiale de Nish. Le sabotage de la croisade aggrava le
malaise de l'Europe vis-à-vis des Génois.
L'alliance
fausse et contre nature avec les ennemis de la foi et de la race fut une cause de déclin
aussi grave que la corruption des fonctionnaires coloniaux et la décadence économique du
Levant latin. Les Ottomans étaient des adversaires bien plus sérieux que les Égyptiens
au commencement du millénaire. Tant que le Sultan était disposé à laisser vivre les
colonies payant tribut, cétait un sacrifice que les Génois et les Vénitiens
pouvaient supporter, par comparaison au coût dune guerre et à la ruine du trafic
commercial pendant les combats.
Cest
pendant cette période que les Ottomans développèrent leur flotte, jusque-là très
inférieure aux galères italiennes en moyens et en armement naval. Pour sortir de cette
infériorité, ils furent paradoxalement aidés par les techniciens et les officiers
mêmes des deux républiques, génoise et vénitienne, qui lâchèrent leur patrie pour
contribuer, contre de largent, à renforcer la puissance militaire de leur
adversaire.
Avec
la pression des Ottomans après 1420, les Giustiniani virent progressivement baisser les
profits de la production du mastic, du vin et de la soie. La recette de l'impôt portuaire
baisse de 1 942,10 lires génoises en 1408 à 1.700 lires en 1424.
Quant
à Phocée, les ventes de son alun étaient rendues toujours plus problématiques par
laccroissement de la concurrence des minéraux extraits de tous les pays de l'Asie
Mineure, dû au cartel récent des Gattiluso qui avait concédé beaucoup de nouvelles
mines, parmi lesquelles celle d'Ipsala sur la Màriza, qui acheminaient leurs produits
pour l'exportation via le fleuve Enos. Cette circonstance, et la prospérité agricole
constante des îles firent que les Gattiluso étaient peut-être les seuls Génois de la
mer Égée à échapper à la crise.
Le
désastre de Varna enleva à la chrétienté ses dernières velléités de défendre les
forteresses latines en Orient et précéda de quelques années la chute de Byzance.
Le
14 avril 1452, le sultan Mahomet II fit entamer les travaux de construction dune
forteresse sur le rivage européen du Bosphore, à quelques kilomètres de Constantinople,
pour lassiéger.
Le
rêve de Mahomet II était de conquérir la ville pour en faire la capitale de l'empire
ottoman. Son père, Murad II, avait aussi tenté la conquête dans le passé, mais il
avait été repoussé.
Constantinople
était une ville presque en ruine, quittée par la moitié de sa population, avec des
commerces insuffisants à lui garantir la survie. Lorsque l'empereur Constantin XI
succéda en 1448 à son frère Giovanni VIII, elle était considérée comme imprenable,
avec ses murailles hautes et épaisses, et elle avait su repousser beaucoup dassauts
jusqu'à la venue de Mahomet II.
Lorsque
la situation commençait à saggraver avant 1453, Constantin XI se tourna vers
l'Occident pour qu'il assume la charge et l'honneur de défendre la capitale d'Orient. Il
offrait, en échange de troupes et de bateaux, l'union des deux Églises, l'orientale et
loccidentale, sans parvenir à convaincre les princes de la chrétienté, toujours
divisés par des discordes.
En
mars 1453, Mahomet II avait concentré autour de Constantinople une armée denviron
cent vingt mille hommes. En outre, il pouvait compter sur cent quarante cinq bateaux et
sur une puissante artillerie.
Pourtant,
Constantinople, tout en continuant dêtre importante du point de vue historique, ne
l'était plus du point de vue politique. Pour Mahomet en revanche, elle était encore
grande aussi bien dans un sens que dans l'autre. Il lui semblait que la ville impériale
était la quintessence de la vie. Bien plus que de faire partie du monde civilisé, la
possession de Constantinople signifiait en être le patron : depuis des temps
immémoriaux sa splendeur dorée séduisait les nomades.
Le
sultan des Turcs croyait le titre d'empereur des Romains lié à la possession de
Constantinople et espérait qu'en la conquérant, il aurait la légitimité aux yeux des
Européens, car il savait qu'ils le considéraient comme un barbare. Il désirait non
seulement s'emparer dune métropole célèbre, mais il ambitionnait la
"reconnaissance sociale", la preuve en est sa tentative de nier son ascendance
ottomane et de se vanter d'être un Comnène.
Venise,
qui considérait Constantinople comme une énorme entreprise commerciale, ne savait pas si
elle devait aider ou non la ville menacée. D'un coté elle craignait pour les possessions
quelle avait sur la Corne d'Or, mais de l'autre elle ne voulait pas détériorer les
rapports commerciaux favorables instaurés avec les Ottomans. Gênes qui était implantée
dans le quartier de Pera réagit dune manière aussi indécise. Ainsi, en laissant
à ses marchands la pleine liberté de se ranger pour ou contre les Ottomans, elle ordonna
simultanément au podestat de Galata de trouver avec Mahomet un accord qui garantisse
l'inviolabilité des biens génois. Les Ragusains présents à Constantinople
nauraient soutenu Byzance que si s'était constituée une grande coalition
chrétienne contre les Turcs.
LAngleterre
et la France nauraient même pas pu venir en renfort, dautant quelles
étaient tout juste sorties épuisées de la guerre de cent ans.
Le
pape avait en vain prié Frédéric III d'aider la ville menacée, mais il dut à la fin
se contenter dun légat avec quelques centaines d'hommes darmes. Résultat :
l'Europe laissa tomber Constantinople, le monde chrétien avait rayé de sa mémoire son
ancienne capitale.
Dans
le port de Byzance, il y avait des bateaux vénitiens avec des capitaines qui
navaient pas le cur dabandonner la ville menacée, et les malheureux
équipages au service des Byzantins. De Gênes, était arrivé au dernier moment avec 700
mercenaires le célèbre Giovanni Giustiniani Longo qui voulait éprouver le frisson du
siège, comme le rappela Lord Byron dans ses mémoires au XIXe siècle. En
tout, ils étaient 2000 étrangers à défendre les murs chrétiens.
Pour
sa part, Constantinople avait moins de cinq mille soldats. Pour être précis, on pouvait
compter sur 4973 hommes aptes à la guerre, une misère si on pense au million environ
d'habitants quelle avait du temps de son apogée. Vraiment peu pour défendre
vingt-deux kilomètres de murs de l'assaut de cent vingt mille musulmans. La flotte
elle-même était beaucoup plus réduite : il y avait huit bateaux vénitiens, cinq
génois, un d'Ancône, un de Barcelone et un de Marseille et dix autres byzantins plus
petits, soit un total de 26 bateaux qui restèrent tout le siège mouillés dans le port.
En guise darmes et de munitions : peu de couleuvrines, une quantité
insuffisante de poudre et quelque très vieilles catapultes.
Sur
les murs combattaient des Grecs, des Latins, des Vénitiens et des Génois. Sont cités
parmi eux: Maurizio Cattaneo, qui força témérairement les détroits et la Corne d'Or
pour porter secours à Constantinople avec ses trois bateaux, et même Giovanni
Giustiniani Longo, le meilleur condottiere de la ville, qui ne tarda pas à assumer le
commandement suprême des opérations. L'ex-corsaire fut l'âme de la défense, "solide
comme un diamant au feu" écrivait le chroniqueur Grec Calcocondita, venant
également de Chio, combattant pour son propre compte et non pour les Maonesi, avec la
promesse du duché de Chypre.
Constantinople
tombe le 29 mai 1453. Au cours de cette terrible nuit, Giovanni Giustiniani Longo
s'emploie sans répit à faire colmater les brèches des murs. Près de la porte de San
Romano, où la muraille était complètement en ruine, il éleva un nouveau rempart au
moyen de fagots de branchages, derrière lequel il se retrancha dans un fossé.
Giustiniani était une vraie tour dans la bataille et pour cette raison une cible
constante de la hargne de ses adversaires. On dit que la renommée de son courage arriva
jusqu'au Sultan, qui chercha en vain à le soudoyer. Mais devant le piteux état des murs
qui sécroulaient de partout, toute la prudence et la fermeté du Génois et de ses
lieutenants furent vaines.
Alors
même que le courage revenait dans le rang des chrétiens, l'épouvantable nouvelle de la
blessure de Giustiniani se répandit. Le splendide cavalier de la Renaissance, le
généreux aventurier, sembla se rendre compte pour la première fois quil était
lui-même mortel, et une telle découverte l'anéantit. Il se fit porter sur une litière,
suivi de presque tous les Italiens, et força le bloc des assaillants. Tentative inutile
puisquil mourut deux jours après son arrivée à Chio. Léloge funèbre de
Giovanni Longo Giustiniani fut fait par Mahomet II qui dit de lui quà lui seul il
valait plus que lensemble de la flotte grecque.
La
fermeté héroïque du reste des défenseurs, commandés par le bailli vénitien Gerolamo
Minotto, ne suffit pas à arrêter l'assaut. Constantinople fut pillée trois jours
durant, les notables de la ville furent tous décapités. La liberté en Méditerranée
mourut pratiquement avec Constantinople.
La
chute de Constantinople fit grande impression partout dans le monde chrétien, plus parce
quelle allait perturber les équilibres politiques et interrompre probablement les
flux commerciaux, que parce quelle allait affecter la religion des populations.
Après Constantinople, Pera succomba aussi, sans effusion de sang, grâce à un acte de
soumission qui nempêcha cependant pas les destructions et les saccages de la part
des Ottomans.
La
Maona chercha par tous les moyens à maintenir son indépendance, en acceptant de payer un
tribut terriblement élevé au Sultan de 40 000 ducats d'or, heureusement réduit de
moitié par la suite.
Avec
la conquête de Constantinople, l'empire ottoman s'était désormais renforcé dans toute
la zone de la Mer Noire et dans une bonne partie de la mer Égée où agissaient les
florissantes colonies génoises et vénitiennes. Bien que les relations entre les deux
rivaux naient pas été bonnes à cette époque, les moments nétaient pas
rares où elles commerçaient intensément entre elles. Le Vénitien Gio Rolando Villani,
juriste lettré et marchand né à Pontermoli au début du XVIe siècle nous en
fournit un témoignage. Son père l'appela à Chio et il lui raconta lui-même le voyage
dans les chroniques qu'il écrira ensuite. Il
Entre
temps, la vie à Chio suivait plutôt tranquillement son cours, dautant que les
luttes intestines italiennes n'intéressaient pas les colonies doutre-mer qui
navaient aucune aide à attendre en cas de danger.
La
république génoise renouvela encore à plusieurs reprises la convention avec les
Giustiniani pour l'exploitation de Chio jusqu'au 15 juin 1542 mais, avant ce terme, elle
la transforma en 1528 en droit perpétuel, contre le paiement annuel dun tribut de
2 500 lires (lancienne redevance fixée déjà en 1385). À cette occasion
solennelle, tous les Maonesi vivants à l'époque furent inscrits dans le livre d'or de la
République.
Les
Ottomans, toutefois, continuèrent à chercher à tout prix à prendre le contrôle
définitif des îles, en visant à chasser tous les chrétiens de la mer Égée. Sous
prétexte de soutenir militairement la prétention du noble Génois Francesco Draperio
dans son conflit avec la Maona pour une cargaison d'alun soi-disant impayée, une
puissante flotte ottomane jeta lancre au printemps de 1455 au large de Chio.
L'amiral turc Hamsa bey estima ne pas devoir risquer une attaque, vu la bonne
fortification de l'île. Avant le départ de l'expédition, un soldat turc fut tué,
surpris en train de profaner une église, et une galère ottomane fut coulée dans
l'échauffourée qui suivit. Hamsa, en représailles, se borna à détruire les vignobles
et les jardins de l'île et à prendre en otage à Rhodes les ambassadeurs de la Maona
Nestore et Quilico de Furneto.
La
république génoise engagée dans la guerre avec Alfonso d'Aragon, ne pouvant pas aider
ses colonies lointaines, se borna à armer deux galères avec 800 hommes sous le
commandement de Pietro Giustiniani et à invoquer l'aide du pape et du roi d'Angleterre
Henri VI.
La
vengeance ottomane ne tarda pas. À l'automne de la même année, vingt trirèmes
ottomanes commandées par Junusch bey, firent mouvement vers Chio et bien qu'une tempête
en dispersa la majeure partie, elles conquirent sans combattre la nouvelle Phocée,
gouvernée à ce moment là par Paride Giustiniani, qui se rendit spontanément. Ceci
nempêcha pas le pillage du port, la profanation des églises et la mise en
esclavage d'une bonne partie de la population.
Domenico
Gattiluso fut forcé de céder Thasos et daugmenter son tribut au sultan pour
Lesbos, qui formait alors avec Chio les dernières possessions des Génois en mer Égée.
Mahomet
II continua d'expulser les Latins des côtes de la Mer Noire, en occupant Salmastri,
Sinope et Trébizonde entre 1459 et 1462.
La
veille de Noël 1455, les Ottomans occupèrent l'île de Lesbos quils prendront
ensuite définitivement le 16 novembre 1462. Le dernier des Gattiluso, Nicolo II fut fait
prisonnier et étranglé à Constantinople. Le fait d'avoir résisté à la férocité
ottomane pendant quinze jours provoqua un saccage dévastateur. La même année, Kalids
Ali, satrape du sultan, occupa Samos.
En
1456 le tribut ("kharatch") fut porté graduellement de 6.000 à 14.000 monnaies
d'or, en plus de lindemnité de 10.000 monnaies d'or pour la perte de la galère
pour les événements du printemps 1455. Il n'était pas rare, aussi bien, que d'autres
tributs una tantum soient extorqués sous les prétextes les plus divers.
En
1463 Giovanni Antonio Giustiniani Longo était à Constantinople pour conclure une paix
durable avec les Ottomans, mais cela nempêchait pas les brimades et les heurts
contre eux jusqu'en 1477.
En
1473 la colonie de Caffa sur la mer Noire tombe. En 1481 les Giustiniani abandonnent l'île de
Samos et laissent Icaria aux Chevaliers de Saint Jean, à qui ils avaient déjà cédé
Cos. Ces îles, dépourvues de ports et presque désertes, ne présentaient que peu
dintérêt aussi bien pour les Giustiniani que pour les Ottomans.
En
1482 Mahomet II meurt, en déclenchant une lutte pour sa succession. Une flotte composée
de bateaux napolitains, pontificaux et génois commandés par Paolo Fregoso et stipendiée
par le pape ligure Sixte IV della Rovere, expulsa les Ottomans d'Otrante. Ce pouvait être
l'occasion dun nouveau départ dans la reconquête des possessions perdues
dOrient, mais cette fois encore les discordes des Italiens rendirent vain le projet.
Une
nouvelle menace ottomane se profila sur l'île de Chio en 1495, mais grâce à la défense
des 300 soldats délite commandés par Tommaso Giustiniani, il n'y eut pas de
bataille.
L'action
diplomatique des Maonesi fut ininterrompue, les ambassadeurs de François 1er
de France en Orient, le baron de Saint Blancard et le baron d'Aramon, passèrent à
plusieurs reprises à Chio, ainsi que le prince de Luxembourg en 1552.
Malgré
les efforts financiers et diplomatiques renouvelés pour se défendre des Ottomans, la
Maona vit paradoxalement sa défaite accélérée par la république elle-même, qui
craignait le pouvoir croissant des Giustiniani. Le 2 Mars 1558, un plénipotentiaire des
doges, Francesco de Franchi Torturino se rendait à Constantinople pour négocier les
droits de l'exploitation de Chio avec les Ottomans et la restitution du reste de la dette
de 152 250 lires génoises aux Maonesi. L'action diplomatique des Giustiniani qui
sensuivit ne leur permit que de retarder leur fin.
Sous
prétexte dune rançon impayée pour lenlèvement d'un Génois
l"envoyé" de la Maona avait fui avec l'argent le Vizir poussa le
Sultan à accélérer la conquête de Chio, définie alors par les Vénitiens comme
"lil droit de Gênes". À ce moment-là, l'île avait une population
beaucoup plus nombreuse qu'aujourd'hui, de 120.000 habitants sur une superficie de pas
même mille kilomètres carrés, soit une densité exceptionnelle pour l'époque.
Cétait
en 1564 que les Maonesi ne payèrent pas au Sultan le tribut promis à Amurat II en 1435,
année au cours de laquelle il sétait emparé de lancienne et de la nouvelle
Phocée.
Le
14 avril 1566 une flotte imposante de quatre-vingt galères commandées par le Kapudan
pacha Piali (ou "Paoli" selon d'autres sources) arrive au port de Chio
quil réussit en substance à occuper sans combattre grâce à une ruse. Les
Ottomans demandèrent en effet à accoster au passage comme des amis, mais à peine
amarrés, ils convoquèrent le chef de la Maona, le podestat Vincenzo Giustiniani, et les
douze gouverneurs, et ils les firent emprisonner. Cela nempêcha pas l'île
dêtre violemment saccagée, les églises furent toutes détruites ou transformées
en mosquées ; bien vite, tout ce qui était beau, fonctionnel et utile à Chio fut
pillé ou ravagé. Vincenzo Giustiniani, les gouverneurs et tous les mâles des autres
Giustiniani les plus en vue furent conduits à Constantinople. Les plus jeunes de moins de
douze ans furent enfermés dans un couvent dédié à Saint Jean-Baptiste. Vingt et un des
garçons entre douze et seize ans furent séparés des parents, forcés dabjurer le
catholicisme et de s'engager dans le corps des janissaires. Trois d'entre eux se plièrent
a la volonté des Ottomans, se firent circoncire mais réussirent ensuite à senfuir
à Gênes, embrassant à nouveau la foi ancestrale. Les 18 autres furent tués après
datroces tortures, le 6 septembre 1566. Ils furent canonisés par l'Église. Une
peinture du martyre orne encore le palais des doges à Gênes.
La
chute de Chio fut une immense douleur pour le Pape Pie V qui, en communiquant la nouvelle
aux Cardinaux du Consistoire, sinterrompit pour fondre en larmes.
Les
chefs de la Maona furent internés à Caffa en Crimée, où beaucoup moururent. Les
survivants furent libérés par le sultan Selim en 1567 et autorisés à retourner à Chio
ou en Italie par lintercession de Charles IX roi de France, sur prière du Pape Pie
V, grâce à son ambassadeur de Guanterie de Grandchamp.
Une
garnison sinstalla dans la citadelle de Chio et l'île fut occupée, avec défense
aux résidents de la quitter sous peine de mort, mais certains privilèges concédés
autrefois aux Maonesi leur furent maintenus. On explique ainsi comment en 1594, aussi bien
les Giustiniani qui restèrent, que ceux qui retournèrent, réussirent à maintenir un
certain rang, mais ensuite, devant le durcissement de l'administration, le plus grand
nombre fut contraint de partir. Néanmoins, on trouve encore aujourd'hui des familles de
l'île qui portent l'ancien nom des Giustiniani ou des variantes grecques. Il y eut encore
un évêque Giustiniani de Chio en 1830 Ignazio et un autre avec le même
nom en 1879, résidant à Naxos où un certain Giovanni Giustiniani possédait encore en
1670 de vastes domaines.
La
plupart des survivants retournèrent à Gênes avec le vain espoir de se voir reconnaître
une indemnité pour la perte de l'île, soit 152 250 lires génoises en ce qui
concerne la perte de la colonie, plus 70 000 lires génoises pour une autre
indemnité et le remboursement des intérêts de 600 luoghi (60.000 lires) que les
Giustiniani avaient déposé à la banque de Saint-Georges à Gènes en garantie de la
redevance annuelle due à la République. Toutes les réclamations posées par les
Giustiniani jusqu'en 1805 furent inutiles. Les espoirs prirent définitivement fin lorsque
la banque de Saint Georges fut fermée en 1815.
Les
anciens domaines des Giustiniani dans le Dodécanèse, sous le joug ottoman, tombèrent
très vite en ruine. Chio fut réduit à un port de voleurs et de pirates. Les quelques
Latins qui restèrent furent incarcérés. La plupart de la population restée en place
était généralement du peuple. De toutes les églises de l'île, ne restèrent que la
chapelle des dominicains et le couvent des franciscains.
Beaucoup
de Giustiniani de Chio se distinguèrent aussi en dehors du Dodécanèse. Pendant cette période, Nicolo Banca est consul en
1393 à Constantinople, Ottobono Campi est capitaine de fortune dans la guerre de
Vintimille, Francesco Campi est ambassadeur auprès de l'empereur Sigismond, qui la
nommé comte palatin pour la maison des Giustiniani le 15 mai 1413, comme Gabriele
Recanelli le 8 décembre 1417. Antonio Longo est ambassadeur et plénipotentiaire de la
république en 1390 et médiateur dans la querelle entre des guelfes et les gibelins.
Pietro Giustiniani, amiral de la flotte des Chevaliers de Malte et Grand Prieur de
lOrdre pendant la bataille de Lépante du 7 octobre 1571 ("...Uluj Ali, avec le
vent en poupe, attaque par derrière Capitana,
le navire amiral des Chevaliers de Malte, commandé par Pietro Giustiniani, prieur de
lOrdre. La Capitana fut encerclée par
sept galères. Uluj Ali sempara de la bannière des Chevaliers de Malte, fit
prisonnier Giustiniani, qui avait été blessé sept fois, et prit la Capitana en remorque".... daprès le
récit d'un matelot du bateau chrétien "San Teodoro", repris par Gianni
Granzotto dans son livre "La bataille de Lépante").
La
majeure partie des branches de cette famille noble sest éteinte au cours des
siècles, après 1566, lannée de la conquête ottomane de Chio.
Avec
la chute de Chio, Gênes disparaît du nombre des puissances coloniales, dans le
prolongement du déclin amorcé en 1475, mais elle retrouve une prospérité inattendue au
lieu de la décadence. Non dans le domaine politique mais dans celui des aventuriers. Au
XVIe siècle, les navires et les matelots ligures peuvent rivaliser avec les
Grecs du XIXe siècle que lon rencontrait sur toutes les mers et dans
tous les ports étrangers plus facilement que chez eux. Avec un fort accroissement de son
activité marchande, Gênes sut s'affirmer depuis lors dans cette nouvelle activité
destinée a simposer dans les siècles à venir : la banque.
Les
colonies commerciales perdirent la fonction de tête de pont vers un monde qui a acquis
désormais la sécurité et le développement spontané, où les Latins sont maintenant
vus comme des concurrents plutôt que comme des partenaires. Les Vénitiens maintinrent
leurs possessions au Levant plus longtemps que les Génois, grâce essentellement à la
plus grande présence de colons vénitiens, à la différence de Gênes qui ne réussit
jamais à favoriser une forte émigration vers les colonies.
La
relation entre la république de Gênes et les Giustiniani fut codifiée de sorte que la
Maona assumait toutes les tâches de l'administration et de la défense du territoire de
Chio, des deux Phocèe et de quelques îles du groupe des Sporades : Samos, Icarie, Eussa,
Santa Panagia, pendant que la souveraineté générale, les rapports avec les États
étrangers, la juridiction civile, y compris la nomination du podestat et des commandants
de forteresse, restaient dans les mains de la république après accord préalable de la
Maona.
Les
revenus commerciaux et fiscaux seront tous dévolus à la Maona jusqu'à la résorption de
la dette contractée par la république, évaluée en première instance à 200 000
lires génoises qui auraient dû être remboursées en vingt ans, mais ne le furent en
fait jamais.
Dans
lacte d'investiture de la Maona, la république avait introduit une série de
considérations qui justifiaient l'occupation de ces territoires sur la base de la
nécessité de défendre la chrétienté contre les Ottomans.
La
Maona mettait donc en avant son activité d'exploitation et de contrôle de l'île de Chio
en assignant diverses tâches de gouvernement local à ses fondateurs qui avaient tous
pris le nom de Giustiniani.
Depuis
1348, les Maonesi avaient commencé à attirer les colons de Gênes dans l'île en leur
concédant gratuitement des maisons et des vignobles, à condition de venir y habiter, en
sengageant à y résider en permanence et de ne pas s'absenter plus d'un an
uniquement pour des raisons liées au commerce. Cette politique reprenait les plans de
Benedetto Zaccaria qui fut le premier à chercher à faire de Phocée une ville génoise
plus que grecque.
L'accroissement
de la population laborieuse recrutée sur place et l'afflux d'esclaves et dautres
fugitifs en provenance des régions envahies par les Ottomans avaient déçu les
intentions du premier maître des lieux. Maintenant, le fort sentiment national de la
population grecque rendait nécessaire le renforcement de la population génoise.
Les
Giustiniani, contrairement aux premiers Génois qui attiraient des colons mais
nallaient pas eux-mêmes habiter sur place, établirent presque tous leur résidence
à Chio, où ils se répartissaient les charges administratives et les terres ou bien
exerçaient leur activité de commerce et de crédit. Mais en enfonçant des racines plus
profondes dans les possessions doutre-mer, les Giustiniani sy acclimatèrent
et se mirent de plus en plus à se comporter comme des Grecs et comme des princes indépendants.
Les
Maonesi retiraient des bénéfices élevés de leurs possessions. Les sources de l'époque
estiment les revenus globaux annuels de Chio à soixante mille lire génoises, une autre
à soixante dix mille florins, une autre encore à cent vingt mille hyperpres. Compte tenu
de la diversité de la valeur des monnaies, on peut dire que les différences entre les
trois évaluations ne sont pas grandes, la plus élevée est celle en hyperpres que
lon peut comparer à environ quatre-vingt mille lires génoises.
Ce
nest pas seulement le mastic qui fait la richesse de Chio, le sol fertile permet de
bonnes cultures de vignobles, agrumes et damandes ; les carrières de marbre
produisaient pour l'Asie mineure ; le commerce de transit fut toujours florissant, en
particulier après que les îles septentrionales soient tombées aux mains des Ottomans.
On doit ensuite ajouter l'industrie de la soie, importée de Gênes non sans dâpres
disputes avec la mère patrie dues au corporatisme poussé des maîtres de la soie qui ne
voulaient pas que les secrets de leur art franchissent les murs de la cité. Une chronique
de l'époque raconte que le gouvernement de Gênes fit emprisonner trois artisans soyeux
qui avaient émigré en cachette à Chio en 1483. La même république de Gènes ne
concéda louverture dateliers quà Caffa mais pas à Chio. En 1523, le
doge Antoniotto Adorno enjoignit aux Maonesi de lui livrer certains soyeux émigrés à
Chio, mais les Giustiniani répondirent en éludant et en se plaignant que "l'art
avait désormais commencé à étendre ses ailes dans cette île, avec beaucoup de perdrix
(?) de la patrie". Ceci nempêchait pourtant pas que les maîtres génois
et lucquois, attirés par de meilleures perspectives de profit émigrent dans le monde
entier, en faisant concurrence à la mère patrie.
Quelques
historiens, comme Sombart, ont rapproché les grandes propriétés foncières de Chio des
plantations coloniales, où lon fait cultiver par des esclaves des denrées
tropicales destinées à l'exportation, même si quelques-uns savaient que les Grecs
nétaient pas des esclaves mais des serfs attachés à la glèbe ou à moitié
libres, parfaitement semblables à ceux des campagnes féodales italiennes. Les Génois
superposèrent à cette hiérarchie existante leur suzeraineté comme les Francs en
Italie, mais larchonte[1] restait archonte et le paroico
restait paroico. Du reste, même la considérable affinité des races
grecques, italiennes, et moyen-orientales empêchaient que ne sétablisse un
régime si peu que ce soit semblable à celui des futures plantations des Indes
occidentales et orientales.
Du
point de vue administratif, voyons maintenant comment était structurée la Maona des
Giustiniani.
La
convention avec la vieille Maona de 1347 resta en pratique en vigueur jusqu'en 1566. La
haute autorité civile et judiciaire des îles était réservée à Gênes qui nommait
pour exercer ces droits un podestat, le seul en Orient dépendant directement de Gênes,
alors que tous les autres dépendaient de celui de Pera. Un tel podestat était choisi
dans une liste de 20 popolani établie par
Gênes et présentée à la Maona qui à son tour en sélectionnait six. Gênes
choisissait parmi les six le podestat qui restait en fonctions pendant un an. À partir du
24 janvier 1558, le mandat passa à quatre ans. En 1529, le droit de choisir fut restreint
aux nobles inscrits dans les 28 "alberghi" de la réforme doriane de
1528.
Au
podestat était subordonné le "castellano de Chio", commandant de la
citadelle et de la milice de l'île, également nommé par Gênes sur une liste de six popolani choisis par la Maona. Le podestat et son conseil choisissaient les
podestats et les commandants de forteresse des deux Phocée.
Le
"dominio utile" (lusufruit)de
l'île revenait aux Giustiniani, associés dans la Maona.
Nous
avons rappelé que la (nouvelle) Maona naquit le 14 novembre 1362, elle est renouvelée en
tant qu"albergo" le 21 janvier
1373 pour 20 années supplémentaires, le 10 février 1391 pour encore 25 ans, puis 29 ans
jusquen 1442. Mais le 21 septembre 1428, elle devint perpétuelle.
Le
nombre initial de parts était de "12 2/3", chaque "action"
(duodénum) était divisée en 3 (gros carats) ou en 24 parties plus petites (petits
carats), pour un total de 38 gros carats et 304 petits. Tous ces titres étaient
négociables et transmissibles aux héritiers.
Le
nombre global des membres de la Maona Giustiniani était de plus de 600 en 1566. Voici la
liste des familles qui possédaient les "12 2/3" parts des "actions "
en 1497 :
1)
1
duodénum aux CAMPI
2)
1
duodénum aux HAMPI
3)
1
duodénum aux ROCCA
4)
1
duodénum aux GARIBALDI
5)
1
duodénum aux BANCAE
6)
1
duodénum aux RECANELLI
7)
1
duodénum aux LONGO
8)
8
petits carats aux SAULI
8 petits carats aux GIUSTINIANI
6 petits carats aux ADORNO
9)
19
petits carats aux LONGO
1 petit carat aux ADORNO
3 petits carats aux CAMPI
10)
20
petits carats aux PATERII
1 petit carat aux GIUSTINIANI
11)
18
petits carats aux FURNETTO
1 petit carat aux ADORNO
1 petit carat aux CICERO
4 petits carats aux SAULI
12)
22
petits carats aux FURNETTO
2 petits carats aux PATERII
13)
6
petits carats aux PATERII
6 petits carats aux FRANCHI
6 petits carats aux DE PAOLO
6 petits carats aux GIUSTINIANI
Les
décisions "fondamentales" étaient prises sur la base des 13 parts originales
Les
charges étaient attribuées par tirage au sort sur un programme pluriannuel, aucun
Maonese ne pouvant occuper la même charge pendant deux années consécutives.
Au
XVe siècle, alors que les affaires de la Maona nétaient pas très
florissantes, cette pratique fut remplacée par une véritable "vente" des
charges au mieux-disant, mais le 24 novembre 1495, on rétablit l'ancien usage du tirage
au sort pour une série de 26 ans.
Outre
quelques "conseillers" et le podestat, les intérêts des Giustiniani étaient
représentés à Gênes par six gouverneurs (portés à neuf le 19 novembre 1476) qui
exerçaient leur fonction par roulement.
Lancienne
Phocée inféodée à la Maona était gouvernée par les Gattilusi de Lesbos.
La
nouvelle Phocée eut divers gouverneurs : Pietro Recanelli (1364-1391), Raffaello Paterio
(1391-1395), Tomasso Paterio (1395-1405), Giovanni Adorno (1405-1424), Percivalle
Pallavicini (1425-1427), Enrico Giustiniani-Longo (20/9/1427-1437), Francesco Drapperio
(1437-1447) et enfin le dernier gouverneur Paride Giustiniani-Longo, fils d'Enrico de 1447
a 1455, année de la conquête ottomane.
Les
finances, sauf une brève période au XVe siècle, furent toujours très
florissantes, à même de payer aussi bien les tributs à Gênes quaux Ottomans, en
plus de garantir un important revenu annuel.
Les
troupes de l'île oscillaient entre 300 et 800 hommes, plus un certain nombre de
mercenaires.
Outre
la citadelle, 36 sites étaient défendus par des fortins ou forteresses. Les quinze
châteaux-forts de Chio autres que la citadelle se trouvaient à Colla, Calomoti,
Cardamile, Lamista, Late, Lecovere, Melanete, Pannuccelli, Perparea, Pigri, Pitio, Sainte
Hélène, Saint Julien, Valisso (le plus fortifié) et Vigo.
L'île
de Chio avait son propre évêque autonome, le premier fut Manfred de Coronato en 1363.
Les suivants furent tous ou des Pallavicini ou des Giustiniani jusqu'en 1879 (Ignazio
Giustiniani).
L'île
avait de nombreuses églises, couvents et hôpitaux. Il y en avait aussi à Rome pour les
Maonesi indigents, fondé en 1530 par l'évêque Benedetto Giustiniani.
La
population de Chio au XVe siècle oscillait entre 90 000 et 120 000
habitants, en accroissement constant du fait des chrétiens fuyant les sérails turcs ou
rachetés par la Maona.
Lélite,
la première classe, étaient les Giustiniani avec leurs familiers.
Ensuite
venaient, comme seconde classe, les "Burgenses", dorigine latine,
presque tous Génois, généralement commerçants ou petits propriétaires fonciers. Pour
parvenir à des postes importants, leur unique voie était de s'apparenter aux Giustiniani
(parmi elles, les familles Paterio, Navone, Sanginbene, Campanaro, Ciprocci, Cavallini,
Coresio). La troisième niveau comprenait les "Archontes", nobles grecs,
les plus tournés vers les petits commerces, de sang. La quatrième, tous les Grecs
dédiés aux travaux serviles, dans les carrières de marbre, dans les plantations de
mastic et dans l'agriculture. La cinquième, les juifs, consacrés généralement à
l'usure, contraints de vivre au ghetto (ils ne pouvaient pas en sortir librement pendant
la semaine sainte) et de porter un chapeau jaune, en plus de faire à certains moments de
l'année acte de sujétion et de soumission aux Giustiniani. La sixième classe regroupait
les étrangers ne résidant pas dans l'île.
En
ce qui concerne l'état d'esprit des membres de la Maona, on remarque qu'ils ne se
considéraient pas comme des colons provisoires destinés à revenir dans leur patrie
aussitôt atteinte la prospérité économique. Au contraire, ils se considéraient
citoyens de Chio à tous égards, sans oublier cependant leurs origines, si bien que leurs
maisons portaient les armes Giustiniani.
Les
Giustiniani employaient pour les écritures locales une curieuse langue, le grec écrit en
caractères latins, que les Grecs appelaient "franchiotico". Des exemples
de cette langue se trouvent encore dans quelques instituts religieux de l'île.
Voici
la liste des podestats de Chio, daprès les documents notariaux parvenus
jusquà nous (entre parenthèses la période de mandat) :
2)
NICCOLO
CICOGNA (1358) - ANGELO ARCHERIO (1379-1380)
3)
NICCOLO
MUSCA (1380-1381)
4)
DANTE
DI GABRIELE DA GUBBIO (1381)
5)
BARTOLOMEO
DE CURIA (1388)
6)
ANSALDO
DI ANSALDO (1392)
7)
NICCOLO
FATINANTI (1395-1396)
8)
FRANCESCO
GIUSTINIANI DE GARIBALDI (1398)
9)
LIONELLO
MARUFFO (1399)
10)
BARTOLOMEO
ROVERINO (1401)
11)
UGHETTO
DE MARTINO (1402)
12)
GIOVANNI
DA ZOAGLI (1402)
13)
DEXERINUS
DE PODIO (1403)
14)
BATTISTA
VIGNOSO (1404)
15)
LEONARDO
TARIGO (1408)
16)
NICCOLO
BRANCALEONE (1409)
17)
BARNABA
DE FRANCHI (1410)
18)
PIETRO
DE FRANCHI OLIM DE MAGNERRI (1412)
19)
NICCOLO
DE BLASIA (1425)
20)
LUCHINO
DE GOANO (1426)
21)
LEONARDO
GIUSTINIANI (1427)
22)
TOMMASO
DI ANDREA GIUSTINIANI FURNETO (1427)
23)
ANDREA
DE CORSIO (1431)
24)
TADDEO
DA ZOAGLI (1437)
25)
LANCILLOTTO
GIUSTINIANI (1442)
26)
ANDREA
DE CORSIO (1443)
27)
FRANCESCO
RE (1444)
28)
ANTONIO
CARENA (1444)
29)
RAFFAELE
MONTALDO (1445)
30)
MANUELE
31)
BATTISTA
GIUSTINIANI (1448)
32)
ANDREA
DE FRANCHI TORTORINO (1449)
33)
BARTOLOMEO
DA LEVANTO (1450)
34)
CRISTOFORO
DA CORVARA (1451)
35)
GALEAZZO
GIUSTINIANI LONGO (1451-1452-1454)
36)
GABRIELE
DA
37)
GALEAZZO
GIUSTINIANI LONGO (1454)
38)
GABRIELE
DA
39)
PIETRO
GIUSTINIANI DE CAMPIS (1456-1457)
40)
BATTISTA
LEONARDO (1457-1458)
41)
GREGORIO
GIUSTINIANI (1458)
42)
TOMMASO
GIUSTINIANI DE FURNETO (1460)
43)
PIETRO
GIUSTINIANI (1461)
44)
GUGLIELMO
MARUFFO (1464)
45)
ANTONIO
DE FRANCHIJULA QD.PETRI (1465)
46)
BATTISTA
GIUSTINIANI (1467)
47)
GIOVANNI
FRANCESCO GIUSTINIANI (1468)
48)
ALESSANDRO
GIUSTINIANI (1468-1469)
49)
FRANCESCO
PALMARIO (1468-1469)
50)
ANTONIO
MONTALDO (1470-1472)
51)
GIOVANNI
FRANCHI (1475)
52)
LEONARDO
GIUSTINIANI (1476)
53)
LEONARDO
DI PARIDE GIUSTINIANI LONGO (1477)
54)
RAFFAELE
DI TOMMASO GIUSTINIANI (1479)
55)
EDOARDO
DI FRANCESCO GIUSTINIANI FURNETO (1480)
56)
STEFANO
BRACELLI (1482)
57)
LORENZO
GIUSTINIANI BRANCA (1483)
58)
TOMMASO
PRESENTA (1484)
59)
OBERTO
FOGLIETTA (1486)
60)
LEONARDO
MARUFFO (20 Février 1487)
61)
BATTISTA
GIUSTINIANI DE CAMPIS (1487-1488)
62)
LEONARDO
MARUFFO (1488)
63)
GIOVANNI
BATTISTA DI TOMMASO GIUSTINIANI (1491)
64)
LUCA
DI LANCILLOTTO GIUSTINIANI MONEGLIA (1495)
65)
DOMENICO
ADORNO (1496)
66)
DEMETRIO
GIUSTINIANI (1496)
67)
GEROLAMO
DE GOANO (1499)
68)
NICCOLO
DI SILVESTRO GIUSTINIANI CAMPIS (1504)
69)
GIOVANBATTISTA
DI BRIZIO GIUSTINIANI FURNETO (1507)
70)
GIACOMO
GIUSTINIANI (1511)
71)
NICOLA
DI ANDREOLO GIUSTINIANI (1512)
72)
AMBREOGIO
CAFFAROTO (1514-1515)
73)
MATTEO
DE FRANCHI BULGARO (1516)
74)
BARTOLOMEO
GIUSTINIANI QD.IOHANNIS (1517)
75)
GIOVANBATTISTA
DI LORENZO GIUSTINIANI NEGRI (1518-1520)
76)
FRANCESCO
DI LORENZO GIUSTINIANI BRANCA (1520)
77)
GIOVANBATTISTA
DI BRIZIO GIUSTINIANI (1521)
78)
BERNARDO
GIUSTINIANI QD.BAPTISTE (1522)
79)
BALDASSARRE
DI BATTISTA ADORNO (1527)
80)
NICOLA
DI VINCENZO GIUSTINIANI GARIBALDI (1528)
81)
DOMENICO
DI GIO .ANTONIO GIUSTINIANI DE CAMPIS (1529)
82)
BERNARDO
GIUSTINIANI (1530)
83)
NICCOLO
SAULI GIUSTINIANI (1533)
84)
ALESSANDRO
GRIMALDI PATERIO (1534)
85)
DOMENICO
GIUSTINIANI QD.ANTONII (1534)
86)
NICOLA
DI ANDREOLO GIUSTINIANI (1538)
87)
LORENZO
GIUSTINIANI (L-I) (1548)
88)
NICOLA
GIUSTINIANI (N-I) (1548)
89)
FRANCO
SAULI GIUSTINIANI (1552-1553)
90)
GIOVAMBATTISTA
GIUSTINIANI (1558)
91)
VINCENZO
GIUSTINIANI GARIBALDI (1562-1566)
Les
Giustiniani, comme les autres familles gouvernant les colonies du Levant, étaient
autorisés par la République Génoise à battre la monnaie.
Souvent
traitées de monnaies de facture rustique, mal frappées et conservées, difficiles à
retrouver, en cuivre, en argent de divers alliages plus ou moins riches et même en or
imitant les ducats vénitiens qui avaient la plus large diffusion en Orient. Dans les
îles du Levant, il était difficile de rencontrer des monnaies génoises, soit parce que
les colonies ligures étaient très limitées et subordonnées à une suzeraineté locale,
soit parce que des monnaies byzantines et arabes étaient également présentes en grande
quantité dans la région.
À
Chio, on trouve même les monnaies émises par dautres Génois des îles voisines,
comme les Gattiluso de Lesbos, où on trouve souvent représentées les armes des
« Paleologues" une croix cantonnée de quatre signes semblables à un "B" avec leurs armes ou
un grand aigle à deux têtes avec les initiales de celui qui commandait à ce moment
précis dans ce lieu déterminé. Ces monnaies étaient en cuivre (denier) ou en or
(ducat). Les Zaccaria qui précédèrent les Giustiniani à Chio émirent aussi des
monnaies propres, pour un total de 10 types de monnaie, comme le "quart de ducat
d'or" qui reproduisait au recto lécu de la famille et linscription "M7B ZAChARIE" et
au verso la croix linscription "CIVITAS SYI", denviron 0,9.gr
d'or, et 13 mm de diamètre. Et le "demi
gros d'argent" qui reproduit à lendroit la croix et
linscription écrite "M7B ZAChARIE" et à lenvers le château
à trois tours et linscription "CIVITAS SYI", denviron 0,7
grammes d'or et 18 mm de diamètre. Après la conquête de Chio par Vignoso en 1346,
commença la frappe de monnaies dont le motif sinspirait des fleurs de lis angevines
et de leurs factions, et dans lesquelles apparaissaient aussi des références à la
république de Gênes : à lendroit le doge et linscription "DVX
JANUE QUENDEUSPTA", à lenvers la croix et linscription usuelle des
monnaies génoises "CVNRADVS REX ROMANORVM". Rappelons le « gigliato »
(denviron 3,5 gr dargent et 28-29 mm de diamètre) et sa fraction « le
quart de gigliato » (environ 0,8 gr dargent et 16-17 mm de diamètre).
Après
1390, en pleine période Giustiniani, se produisit un changement despèce
monétaire. Au lieu de linscription "DVX IANUE QUENDEUSPTA",
réapparut comme du temps des Zaccaria linscription "CIVITAS SYI".
Au
XVe siècle furent aussi frappées à Chio des monnaies d'or qui imitaient les
ducats vénitiens abondants et cotés, comme le "ducat d'or" frappé
lorsque Filippo Marie Visconti duc de Milan était seigneur de Gênes (1421-1436) avec
côté face le doge et linscription " D:MEDIOLANI", ou aussi celui
de la période où Charles VII roi de France fut Seigneur de Gênes (1458-1461), sur
lequel étaient gravées les inscriptions "COMUE IANUE" et "S.LAURENTI". Au
pied, une lettre "S" initiale de "Scio". Le gouvernement Giustiniani est illustré par une série de
monnaies, principalement en cuivre, dans lesquelles sont reproduites les armes de famille
: le château hexagonal à trois tours surmontées de l'aigle impérial tandis
quapparaissent les initiales du podestat de île, comme par exemple "N.I."
relatives à Nicola Giustiniani, qui gouverna l'île à plusieurs reprises dans les
années 1504-1512-1528-1538. Ou encore les lettres "D.I." relatives à
Domenico Giustiniani en 1529 ou "F.I." relatives à Francesco de Lorenzo
Giustiniani Banca en 1520 ou "L.I." pour Lorenzo Giustiniani Banca en
1548. Il y a bien eu 42 espèces de monnaies battues par la Maona Giustiniani, y compris
celles spécifiquement au nom des Giustiniani et quelques pièces définies comme des
"monnaies - médailles" avec des motifs semblables à ceux décrits, frappées
postérieurement à la chute définitive de Chio aux mains des Turcs en 1566.
Un
document du Génois Battista de Luco fait référence à certains taux de change en l'an
1472.
Un
ducat ou un florin d'or de Chio vaut 80 harati (ou aussi karati, karatti ou charati) de
0,75-1,00 gramme et de six onces d'argent sur douze. Ou bien dans la période 1348-1343
nous avons : 1 florin égal à 10 gigliati. Un gigliato à seize deniers, un denier est
égal à quatre livres tournois. Donc 2 deniers sont égaux à 8 tournois, égaux à un
harato. Un ducat d'or de Chio vaut 816 deniers tournois qui, rappelons-le, était
d'argent.
Toujours
sur le même document nous avons un taux de change entre les ducats de Venise et ceux de
Chio daté de 1472 : 64 ducats d'or de Venise sont égaux à 80 ducats d'or de Chio
et 7 gigliati. Ou bien 1 ducat d'or de Venise vaut 85,68 harati, soit environ à 1000-1070
tournois.
La
valeur des deux monnaies n'est pas de toute façon constante dans le temps. En 1466, un
ducat vénitien vaut 1,25 fois celui de Chio. En 1470 il en vaut 1,31.
Pour
vérifier la datation des frappes, il est aussi nécessaire de vérifier comment est
écrit le mot "CHIO".
Depuis
les premiers jours de la présence des Génois à Chio, on employa les inscriptions "SIO",
"CHIO" ou "ES".u encore
"CHII".
Aujourd'hui,
les Italiens traduiraient phonétiquement la graphie "CIOS" par "Chio"
mais ce nétait pas le cas au Moyen Âge où le "ch" correspondait
au "X" grec. Au delà de
la phonétique, le "CIOS" majuscule se transcrit en "Chii"minuscule.
Au
Moyen Âge, le Levant était contrôlé par diverses puissances économiques : les Francs,
les Vénitiens, les Génois et les Turcs qui cohabitaient plus ou moins pacifiquement au
moyen daccords, de conventions mais aussi avec des occupations arbitraires et des
guerres.
En
Occident, la réforme monétaire se basait sur les règles fixées par Charlemagne sur les
poids et les mesures. La pièce de monnaie qui en sortit devait satisfaire
léquation suivante : 240 pièces de monnaie = une livre.
Avec
la désagrégation de l'empire, chaque pays ou royaume devra sadapter sur la base de
sa livre particulière à des conventions plus régionales. Par conséquent, le contenu
des pièces de monnaies était aussi diversifié que les livres.
Plus
tard, et aussi sous linfluence de l'empire byzantin, la monnaie de compte, qui
devait de toute manière être en relation avec le contenu en métal des monnaies en
circulation, fut le "ducat d'or" et le "ducat d'or de Chio",
plus généralement appelé "hyperpre" dans ses unités plus petites ("tournois"
par exemple ou "harati").
Le
hyperpre de la Maona de Chio apparaît dans tous les actes notariaux pendant toute leur
domination à Chio et même parfois sous la domination ottomane. La dernière mention
connue est de 1725.
Mais
dans quels secteurs était employée la monnaie de compte ? Elle était utilisée surtout
pour la comptabilité du commerce du mastic, des carrières d'alun de Phocée, du sel et
de la pêche, mais elle était également utilisée par les indigènes ou au moins par
ceux qui nétaient pas membres de ladministration génoise, pour les autres
produits comme le vin, lhuile, la pêche ou les étoffes, mais aussi pour les
comptes de quelques services internes comme l'agriculture et également pour la
constitution des dots, les ventes d'immeubles, les locations, les ventes aux enchères et
les taxes.
La
première structure observée de la monnaie de compte "hyperpres" est de
1381. En la mettant en relation avec dautres documents ultérieurs, on trouve cette
équation :
1 hyperpre = 24 Harati = 288
deniers tournois
En
1349 un denier en monnaie de compte équivaut à un denier tournois en monnaie effective.
Parallèlement à la monnaie de compte "hyperpre" de 1348 nous avons
aussi le "florin". Dans un acte de 1444 nous trouvons léquation
suivante :
1 florin = 10 gigliati = 160
deniers
Était
également employé dans les comptes le "ducat d'or" mais seulement à
partir de 1444.
Sur ce sujet: MONNAIS INEDITES DE CHIO di P. Lambros, Parigi 1877
Comme
nous lavons plusieurs fois rappelé, le rôle principal de la Maona Giustiniani
était d'exploiter le mastic de l'île de Chio.
La
Maona opérait dans une véritable situation de monopole. Aussi bien, une partie des
profits était consacrée à la défense de l'île, selon des quotes-parts précises
établies à lannée.
Nous
avons vu que divers contrats d'exploitation ont été passés avec le Gouvernement de la
République génoise. De même, dautres contrats ont été
conclus avec des entreprises et des commerçants de toute la Méditerranée
orientale : Chypre, Rhodes, Constantinople, Alexandrie, les ports de Grèce et de
Syrie.
Pour
soccuper de la vente, de véritables agents exclusifs travaillaient au service des
Giustiniani, qui parfois, pour maintenir le prix du mastic, brûlaient les excédents
lorsque il y avait surproduction.
Sagissant
dun sujet vital, les peines pour les voleurs de mastic étaient sévères. Par
exemple, pour le vol de moins de 10 litres de mastic (équivalant à 2 kilos de produit),
on prévoyait une forte amende et pour qui n'était pas en mesure de payer, l'amputation
d'une des deux oreilles. Pour le vol de 10 à 25 litres, le marquage au fer rouge sur le
front. Entre 25 et 40 litres, la coupure du nez et de l'oreille droite. Au-delà de 200
litres ou en de cas de récidive, la pendaison. Des peines analogues étaient aussi prévues pour les
receleurs de lots de mastic volés.
Des
récompenses étaient prévues pour les informateurs. Kyriakus Pitsicoli, écrivain
génois de l'époque, rapportait un proverbe "si vous désirez vivre à Chio,
protégez le mastic et ne le volez jamais".
Dans
l'île, une administration était bien organisée avec des employés chargés de stocker
le produit, des comptables et des affréteurs pour son transport. Les activités
d'extraction et de raffinage du produit étaient supervisées par le pouvoir.
Avec
la chute de Chio en 1566 et la libération des survivants internés en Crimée par les
Ottomans, quelques Giustiniani revinrent dans l'île dautres en Italie ou en Grèce.
Les
familles originaires de la Maona en 1362 restèrent presque toutes dans l'albergo jusqu'en
1566. Cétaient : les Caneto de Lavagna (sortis en 1369), Campi, Arangio (sortis en
1413), S. Teodoro (sortis en 1369), Adorno, Banca, Longo, Forneto, Negro, Oliverio et
Garibaldi. Au
Les
branches Giustiniani qui retournèrent à Rome furent celles des Banca et des Negro qui
entrèrent avec beaucoup de facilité à la cour pontificale pour occuper une place digne
des gloires passées. À cela contribua sans doute la haute position de Vincenzo Negro
Giustiniani qui, en 1558, non seulement était déjà général des Dominicains à
seulement 38 ans, mais encore quelques années après, se rangeait parmi les participants
les plus influents au Concile de Trente. Fait cardinal par Pie V, quelques sources le
présentent même comme susceptible dêtre pape au conclave de 1572 qui vit
l'élection de Grégoire XIII Boncompagni.
Lorsque
Giuseppe Giustiniani fut forcé en 1566 de quitter l'île de Chio, il se tourna vers son
beau-frère (puisque frère de sa femme Geronima. Plus qu'un exil, ce fut une véritable
fuite d'abord à Malte, ensuite à Messine, Naples, Civitavecchia et enfin à Rome où il
arriva avec de grandes richesses et ses cinq enfants : deux garçons, Benedetto et
Vincenzo, et trois filles : Angélique, Virginia et Catarina, quil maria à des
nobles et en les dotant généreusement : la première à la maison Bandini, la deuxième
à la maison Monaldeschi, la troisième à la maison Massimi.
À
Rome, avec l'aide de son beau-frère, il acquit grâce à son activité la notoriété
dans la location ou les baux immobiliers, et il réussit à augmenter prodigieusement son
patrimoine. L'expérience de plusieurs générations adonnées au commerce et au change,
solidement acquise par Giuseppe, ne pouvait pas passer inaperçue dans la Rome dynamique
de Grégoire XIII.
En
1590, il acquit à Rome le palais qui porte encore le nom de la famille, et deux villas
situées, lune dans le quartier de la Porte Flaminia, qui nexiste plus mais
dont le porche était implanté à l'entrée de la Villa Lazzaroni toujours à Rome (sur
lequel figure l'inscription de Giuseppe Giustiniani), et lautre à Laterano,
considérée comme un joyau de l'architecture romaine (Villa Giustiniani-Massimi). En
outre, il acquit le 12 juin 1595 une grande propriété à Bassano dans le diocèse de
Sutri des Anguillara.
Benedetto
(Chio 1554 - Rome 1621), son fils aîné, étudia le droit à Pérouse, puis à Padoue et
à Gênes et, en quelques d'années, il intégra l'administration pontificale. Sixte V le
nomma en 1585 trésorier général et le 17 décembre 1586 cardinal à seulement 32 ans.
Il joua un rôle significatif dans la politique de lÉglise de cette période : on
se rappelle en particulier son action pour rapprocher le roi de France Henri IV de Bourbon
de l'Église catholique. De 1606 à 1611, il fut légat pontifical à Bologne, remplissant
sa charge avec fermeté et rigueur, comme lattestent les sources contemporaines.
Le
second fils de Giuseppe, Vincenzo (Chio 1564 - Rome 1638), hérita de son père le fief de
Bassano et il en fut fait marquis par Paul V le 22 novembre 1605. Connaisseur des arts,
doué dune fine intuition, il manifestait beaucoup déclectisme, une grande
passion pour les sciences et une profonde originalité, avant tout humaine. Il épousa les
courants les plus innovateurs de la peinture de son temps, en soutenant dans son rôle de
mécène la diffusion dun réalisme inspiré par le Caravage et montra en plus
dune d'occasion une ouverture aux nouveautés que peu de ses contemporains savaient
partager.
En
même temps, les frères Benedetto et Vincenzo cultivaient une vive passion pour l'ancien,
et accumulaient une extraordinaire quantité de sculptures et de bas-reliefs qui
envahissaient littéralement tous les espaces de leurs résidences. La collection de
famille, dispersée depuis la fin du XVIIIe siècle, senorgueillissait
rien quen uvres d'art de "1867 sculptures et 820 peintures parmi
lesquelles quinze Caravage". Vincenzo Giustiniani était tellement fier de sa
collection quil se préoccupait de la protéger aussi après sa mort. Dans son
testament, il confiait les uvres à ses héritiers et successeurs avec des clauses
sévères et des menaces morales pour que la collection ne soit pas dispersée ou encore
moins aliénée. Malgré ces précautions, toutefois, quelques pièces de la collection,
surtout des sculptures, furent vendues dès le XVIIIe siècle, tandis qu'une
partie de la collection de peintures fut transportée à Paris et vendue au début du XIXe
siècle.
Vincenzo
était une figure emblématique de la culture humaniste a un moment où celle-ci était
désormais en déclin. Rome vécut une sorte de seconde Renaissance dans les premiers
vingt-cinq, trente ans du XVIIe siècle et Vincenzo en fut le très haut
représentant.
En
1606, Vincenzo entreprit un voyage dans le nord de lEurope, en passant par
l'Allemagne, qui le mena jusquen Angleterre et donc, sur le chemin du retour, en
France. Les étapes de son itinéraire, les lieux et les rencontres qui le frappèrent le
plus sont rapportés dans son journal qui en donne le compte rendu. Peut-être l'unique
voyage d'un Italien dans lEurope du XVIIe, alors quà l'époque il
était très fréquent que toute la noblesse continentale fasse le contraire.
La
nature éclectique de ses intérêts apparaît dans l'inventaire rédigé en 1638, de sa
bibliothèque la "libraria", qui comprend environ 376 uvres,
auxquelles doivent être ajoutés vingt autres volumes conservés dans le palais de
Bassano, dans lequel sont recensés des livres d'histoire, de philosophie, mais également
d'astrologie, de médecine et de divination.
Vincenzo
Giustiniani s'occupait aussi de bienfaisance, par des legs importants à des uvres
parmi lesquelles certaines sont encore aujourd'hui actives comme la "Société des
XII Apôtres", en recommandant particulièrement daider les réfugiés de
Chio de différentes manières, parmi lesquelles certaines passeraient aujourd'hui pour
anachroniques comme la dot aux "vieilles filles chiotes vierges".
Vincenzo
Giustiniani, meurt à l'âge de 67 ans sans héritier légitime. Les trois enfants
quil a eus de sa femme Eugenia Spinola : Giovanni Girolamo, Girolama et Porzia
étaient morts en bas âge. Nayant pas de neveux, son unique frère mâle légitime
étant le cardinal Benedetto, il décida, le 22 janvier 1631, de nommer héritier
universel par testament olographe Andrea Giustiniani, fils de Cassano Banca, qui s'était
transplanté de Chio à Messine. Quelques années après la mort de Vincenzo survenue en
1638, Andrea, par sollicitude pour Orazio Giustiniani alors évêque de Montaldo, épousa
Donna Marie Pamphili, fille de Donna Olimpia et nièce du Cardinal Gio Batta Panfilio,
futur Innocent X qui le nomma prince assistant au trône pontifical le 21 novembre 1645.
Une telle élévation eut dimportantes conséquences pour la famille Giustiniani,
tant en honneurs civils quecclésiastiques. Les Giustiniani furent bien proches du
trône de Pierre dabord avec le Cardinal Orazio, et davantage encore deux siècles
plus tard, avec le Cardinal Giacomo, si le soir du 6 janvier 1831, vingt deuxième jour du
conclave consécutif à la mort de Pie VII, le cardinal espagnol Marco y Catalan n'avait
pas reçu de l'ambassadeur d'Espagne, Labrador, le veto formel de cette cour à
légard du cardinal Giustiniani sur le nom duquel sétaient portés beaucoup
de votes.
À
Andrea Cassano Giustiniani succéda Carlo Benedetto I, puis Giovanbattista Vincenzo II qui
mourut en 1754, puis Girolamo (1714-1757) qui épousa en 1754 Anne Marie Ruspoli, puis à
la septième génération Benedetto II, mort après ses fils Lorenzo et Vincenzo III. La
grandeur de la famille Giustiniani qui avait duré tant de siècles s'éteignait lorsque
l'Europe sortait des guerres napoléoniennes. Les richesses considérables héritées des
aïeux étaient dispersées, alors que ses créanciers étaient désormais nombreux, la
branche des Giustiniani Negro s'éteignait, le titre de prince de Bassano passait à la
branche des Recanelli-Giustiniani de Gênes.
Curieux
le destin du fidéicommis établi en 1631 par le premier marquis Vincenzo Giustiniani, qui
réservait une partie de sa fortune "afin quavec le temps elle aille
continuellement en croissant et en saméliorant pour le plus grand honneur et
lavantage de la Famille Giustiniani". Les querelles à son sujet ont
occupé depuis le XVIIe siècle les tribunaux pontificaux, ceux du royaume
d'Italie et pour finir de la république, qui ont validé en 1958 288 descendants
répartis en 12 lignées parmi les requérants, sans compter que la plupart des héritiers
légitimes ne sont pas allés ester en justice, ignorant complètement descendre de la
prestigieuse famille.
Il
est bon aussi de souligner que les Giustiniani, comme participants au gouvernement de
Gênes, avaient, comme les autres familles notables, la seule qualité de "Nobilis
civis januensis" qui distinguait du peuple ceux qui participaient à la chose
publique et qui nadmettait pas dautres titres de dignité féodale tel que
nous les connaissons traditionnellement (barons, ducs, marquis, etc.).
Lenregistrement dun individu au
"Livre d'or" de la noblesse de l'ancienne république de Gênes,
auquel était attaché le titre de "magnifique" ou, indifféremment,
d"excellentissime" ou d"illustrissime",
constituait la reconnaissance que la famille de lélu avait rejoint élite sociale,
pouvoir politique, cens et patrimoine, propres à en sanctionner l'appartenance au
patriciat génois, unique et vrai détenteur de l'État et du gouvernement de la chose
publique.
Au-delà
de la valeur symbolique, il serait peut-être plus soutenable, mais encore plus curieux,
que le titre de "Prince de Chio" revienne à tous les descendants qui
puissent se prouver tels, des treize Maonesi qui le 6 juin 1363 le reçurent les premiers
de l'empereur byzantin Jean V Paléologue (Nicolo de Caneto de Lavagna, Giovanni Campit,
Francesco Arangio, Nicolo de San Teodoro, Gabriele Adorno, Paola Banca, Tommaso Longo,
Andriolo Campi, Raffaello de Forneto, Luchino Negro, Pietro Oliverio et Francesco
Garibaldi et Pietro de San Teodoro). Ce titre reviendrait à tous ceux qui participèrent
au gouvernement de Chio, ce qui revient à dire à tous les Maonesi ; cest tellement
vrai quils pouvaient, cas vraiment rare sinon unique, le transmettre à
dautres, qui n'étaient même pas leurs parents, pourvu quils aient participé
au gouvernement de Chio, grâce à la nature même de "société par actions" de
la Maona. Il serait impossible de concevoir une société commerciale qui amènerait aussi
avec elle, au-delà de ses biens et services, des titres de noblesse ! Mais ce nest
pas pour autant quon peut revenir sur les droits acquis, étant posé que "les
questions relatives aux titres de noblesse doivent être considérées et décidées à la
mesure de ce qui aurait été, si la féodalité vraie et réelle n'avait jamais cessé
d'exister" (Cour d'appel de Naples du 9 février 1903-Marulli- Sezza.
Les
armes des Giustiniani de Chio sont : "de gueules à la forteresse hexagonale
d'argent surmontée de trois tours du même, celle du milieu plus élevée, crénelée
« à la guelfe », maçonnée, ouverte et fenestrée de sable; avec le chef
d'or chargé de laigle couronné de sable regardant à dextre".
En
1413 l'empereur Sigismond avait ajouté au blason l'aigle noir impérial à une seule
tête tournée vers la droite couronné, dans un champ d'or. Encore aujourd'hui, ces armes
sont visibles sur les palais en ruines de Chio et dans le quartier des Giustiniani à
Gênes.
La
devise des Giustiniani de Chio était "Si je puis suprema requiro"
Pour un guide en stile du grand-tour du XVII siecle, avec une vision de l'ile de Chio avant du treblement de terre du XIX siecle: L'ile de Chio par M. le docteur M. Testevuide 1877
Pour une bibliographie plus complète nous
conseillons les textes signalés par Roberto S. Lopez dans "Histoire des colonies
Génoises dans le Levant" (Marietti édition) et le site internet de l'auteur : www.giustiniani.info
Qu'est-ce qui peut rapprocher deux communes d'Europe aussi différentes
et éloignées que GREVENA
(préfecture grecque de Macédoine) et PLOUHINEC
(bourg français de Bretagne) ?
Cyrille JUSTINIANY, Archevêque de GREVENA
Un video-clip
sur le Giustiniani conçu construit et installé par P.Papacosta.
diffusion de Giustiniani en France
Il est sortie un documentaire sur la famille Giustiniani par d'André Waksman, une
coproduction France 3 Corse / Vision internationale Corsica.
On va nous transporter dans le temps et dans l'espace. Du XIV ème à nos jours, nous
allons traverser la Méditerranée sur les traces d'une famille : les Giustiniani. Cette
histoire commence au XIVe siècle à Gènes. C'est à la fois une recherche des racines
familiales et
les débuts de capitalisme à l'époque médiévale. A la recherche de
cette identité nous allons découvrir la Maona des Giustiniani, fondée en 1346 pour l
'exploitation des richesses de l'île grecque de Chios. Cette Maona, association de
familles puissantes, n'est rien d'autre que l'ancêtre de nos sociétés par actions. Les
Giustiniani vont se disperser dans toute la Méditerranée et jouer un grand rôle dans
l'histoire de la Corse
Qui sommes-nous, d'où venons nous ? Ce sont d'éternelles
questions qu'on transmet de génération en génération. Nous allons être guidés dans
cette enquête autour d'une famille remarquable par Fanny Giustiniani, d'Arbellara, et
Enrico Giustiniani, de Rome et des historiens notamment Lercari de Gènes. Un documentaire
d'André Waksman, une coproduction France 3 Corse / Vision internationale Corsica Pour
vision cliker sur le lien ci dessous
"I Giustiniani, une saga méditerranéenne"
(100508)
Pour un guide en stile du grand-tour du XVII siecle, avec une vision de l'ile de Chio avant du treblement de terre du XIX siecle: L'ile de Chio par M. le docteur M. Testevuide 1877
Giustiniani
sito in Italiano
Giustiniani
- English short version
Giustiniani
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Giustiniani
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"Les Cahiers du Bosphore" ("Les éditions ISIS
Istanbul") par Rinaldo Marmara su "Chio - Le Tremblement de Terre de 1881
daprès les rapports de lépoque &Index des registres des baptêmes de
lEglise catholique 1707-1727 et 1814-1988".
Casa
editrice ISIS - Istambul